qui s’emparèrent de toutes les embouchures des
rivières (1), laissant l’intérieur du pays aux Géorgiens.
Bédia, après l’introduction du christianisme,
devint le siège d’un évêque qui prenait le
titie de Bédellien. Abandonnée après les cruels
ravages des Turcs, l’église de Bédia fut toujours
un lieu sacré pour le peuple, qui a conservé,
malgré son extrême ignorance, une profonde
superstition pour tontes ces vieilles églises*
Reineggs (2) parle beaucoup d’une grotte qu’il
appelle Ogginn, au sujet de laquelle il parle des
cérémonies des Abkhases; je crois que cet Ogginn
est Ochums, situé sur la rivière de ce nom, qui
prend plus bas celui de Goudava.
Mais aucune localité de ce genre n’est plus
célèbre enAbkhasie que l’antique église d’Ilori,
bâtie sur le petit ruisseau de ce nom entre la
Galazga et la Tsorika, à deux verst du rivage.
C’est ici que le peuple vient célébrer ses pâques.
Ce jour-là un boeuf aux cornes dorées s’avancait
majestueusement et entrait de lui-même dans
l’église ; on le tuait; on en distribuait la viande
(1) Voy. Chronique Géorgienne de Vakhtang V, dans
le Voy. de J. de Klaproth au Caucase, éd. ail., t. II, p. 69
et 97.
(2) Reineggs, II} p. 12. Cet auteur parle du miracle de
St Georges et de sa féte, comme ayant lieu à Ogginn ; il
se peut bien aussi qu’il ait confondu les noms, et qu’il ait
voulu parler d’Ilori.
aux assistants ; on l’envoyait bien loin aux malades
comme remède, et pendant toute l’année
on pouvait en recevoir, en cas de nécessité, toujours
de la fraîche chez le prêtre. Peu de temps
avant mon arrivée, le vieux prêtre d’Ilori mourut;
depuis lors le miracle n’a plus lieu ; il en a
emporté le secret, et l’église même est tombée en
discrédit.
Il est encore une fête plus brillante que celle
de Pâques pour cette église ; c’est celle de saint
Georges, son patron, qui se célèbre le 21 octobre
par un autre miracle qui doit dater déjà de bien
loin, puisque le P. Archange Lamberti et Chardin
(1) nous en donnent lerécit. Saint Georges lui-
même faisait descendre dans son église le boeuf
qui devait être sacrifié le jour de sa fête... On
scellait les portes de l’église, et le bruit courait
que quiconque osait en approcher, la veille
de la fête, mourait tué par le regard de saint
Georges. Aussi régnait-il dans tout le voisinage
de l’église, parfaite sûreté pour les gens
que le prêtre envoyait voler, au nom de saint
Georges, un boeuf qu’on dévalait ensuite avec
des cordes dans l’église.
La sainteté du lieu lui a attiré grand nombre
d’offrandes; on voit que déjà du temps de Chardin,
(1) Arch. Lamberti, Recueil de voy. au Nord, VII,
p. 170, >et Chardin, éd. in-8°, t. I, p. 110.