temps, mais ce ne fut pas tout. Ou fut au moment
de manquer de provisions.
Cette prise de Ghélindjik et les suites inévitables
d’un premier établissement coûtèrent à
la Russie près de 4oo hommes. On ne s’étonnera
pas de cette perte ; ne sait-on pas ce qu’il
a coûté à la France pour son Algérie et ses colonisations?....
L ’avantage ici pourrait être du
côté de la Russie; car, de tous les soldats européens
, le Russe est certainement celui qui est
capable de supporter le plus de fatigues, de
travaux, de surmonter le plus d’obstacles; c’est
le plus sobre, le plus endurci.
Cependant ces braves soldats de Nachem-
bourg et de Kozlof, qui venaient de gagner les
drapeaux de S. Georges, dans les campagnes
contre la Perse et la Turquie d’Asie, gémissaient
de tomber lâchement comme des mouches, au
lieu de succomber glorieusement sous les coups
de 1 ennemi. Dans leur desespoir, ils regrettaient
les beaux pays du midi du Caucase, le
bon vin et les belles Géorgiennes qu’ils y avaient
laissés» Maintenant seuls, séparés du monde entier,
renfermés dans un étroit espace, sans cesse
luttant contre les intrépides et irréconciliables
Tcherkesses, ils cherchaient à étoufïer de
doux souvenirs en se tuant à force de travail.
Leurs officiers, attristés et souffrants comme eux,
ne pouvaient les contenir. Combien ont ainsi
trouvé la mort, et en se sacrifiant à leurs souvenirs
, ont encore cherché à utiliser leur sacrifice
pour le bien public !
Une soixantaine d’entre eux, la plupart Polonais,
se sauvèrent chez les Tcherkesses ; mais
c’était tomber de mal en pis. Six sont revenus de
bon gré et ont trouvé que les misères qu’ils
supportaient à Ghélindjik étaient encore préférables
à celles qu’ils enduraient chez les Tcherkesses
qui les traitaient presque comme des prisonniers.
Leur première question auprès de ces
fugitifs est de s’informer s’ils savent faire de la
poudre à canon.
Un autre Polonais, pour mettre fin à sa pénible
vie, s’élança du haut d’un rocher de 15o
pieds d’élévation, et se fracassa la cervelle sur
les cailloux du rivage.
Tout ce que je viens de dire est vrai à la lettre ;
les officiers qui me le racontaient avaient encore
la paupière humide de ces tristes réminiscences.
Mais déjà en i 833, quand je passai à Ghélindjik,
la plupart des causes de ces premiers
malheurs avaient cessé, et un tout autre atenir
se préparait pour cette nouvelle colonie......
Quatre ans plus tard, le son du canon lui annonçait
l’arrivée de son grand monarque qui
venait dire à ses enfens qu’il ne les avait pas
abandonnés.