Voilà ce que j ’ai pu recueillir d'intéressant sur
Ghélindjik et sur ses alentours. Ghélindjik peut
devenir, avec le temps, un des points les plus
importants de la côte. Mais en attendant, Ghélindjik,
avec son amas de huttes de terre ou de
treillis, ses vieilles moustaches, ses figures brûle
s , balafrées, ses cors qui résonnent sans cesse
dans les airs, cette masse d’hommes sans femmes,
me rappelaient Rome dans sa naissance , luttant
cpntré les Sabms. Puisse ma comparaison être
d un heureux présage pour Ghélindjik !
Je quittai Ghélindjik le 17 juin , monté sur la
goélette le Vestnik, que commandait le capitaine
lieutenant Nicolas Pavlovitch Voulf, connu
comme l’un des bons et des braves officiers de
la flotte. Notre départ fut précédé d’une grande
fête que les officiers de la flotte donnèrent à ceux
de la forteresse. Notre destination était, Spu-
koum-Kalé. Je ne pouvais faire ce voyage sous
de plus heureux auspices, tant le ciel s’était plu
à me favoriser. Je passai en revue presque tous
les points de cette longue et superbe côte : car le
calme de la nuit nous faisait stationner en face
de la cote jusque vers les dix heures du malin
qu’une brise légère qui s’élevait pour nous remettre
en route, nous faisait glisser sans effort à
peu de distance du rivage.
Non-seulement le capitaine voulait que je
visse tout en passant, mais il faisait gouverner
sur tous les points qui pouvaiênt m’intéreàsër;
mous entrions dans les rades et dans les baies
dont notre vaisseau longeait (esquissait) le pourtour.
Il faut avouer que voyager ainsi est une
rare faveur.
Je ne manquais pas d’occupation , et dessiner
la côte, la décrire, questionner les officiers et le
pilote, prendre mes notes, et travailler à mon
journal, remplissaient fort bien mes journées.
Les heures du midi étaient assez chaudes ,
mais les soirées délicieuses les faisaient oublier,
et la lune, qui dominait les collines de la Circas-
sie en se reflétant dans les flots qui se balançaient
mollement, venait éclairer ces délicieux
moments déjà si loin de moi. J’aurais p u , je
crois, attendre ainsi l’arrivée de l’éternité, et si
madame de Genlis en avait voulu faire un des
tourments auxquels elle condamne quelques-uns
des héros de son roman du Palais de la Kérilé,
elle aurait trouvé des amateurs de ce supplice.
Qu’on ne se figure pas qu’il soit impossible de
flâner sur mer : je ne connais pas de flânerie
plus agréable que celle de voir, penché sur le
bord du navire, les flots se jouer autour de ses
flancs : en foule ils s’empressent autour de sa
frêle quille pour l’engloutir, ils s’élancent contre
elle de toutes leurs forces : mais le navire brave
leurs efforts réunis; il les repousse avec majesté,
et les flots vaincus rejaillissent bien loin en dé