sarmés furent mis sous la garde de quelques matelots
, jusqu’à ce qu’on pût les expédier à Sé-
vastopol, ou l’affaire devait être jugée en dernier
ressort, légalisée et liquidée juridiquement.
On ferma un peu les jeu x quant à l’autre
vaisseau, et on le relâcha sans lui faire aucun
mal quelconque; car son seul crime en venant
de Redoute-Kale, dont il avait quitté la Quarantaine
trois jours auparavant, avait été de s’être
arrêté quelques heures sur le rivage, en attendant
la brise du milieu du jour. C’était défendu;
mais souvent trop de justice est de l’injustice.
Quelques jours après notre .retour de croisière,
des cris perçants que le silence de la nuit
rendait plus lugubres encore me réveillèrent en
sursaut. Sentant dans mon effroi le navire se
balancer rapidement, je crus que nous enfoncions
dans les gouffres de la mer; je courus sur
le tillac. Ma peur était vaine; ces cris nombreux
et confus venaient du rivage. Je crus que les
Abkhases avaient surpris la forteresse ; c’était le
tumulte d’un assaut. Mais point de coups de fusil.
Les officiers et tout l’équipage du Vestnik,
rassemblés sur le tillac, étaient dans la plus
cruelle attente. Egorgerait-on le détachement
qui garde la Quarantaine ? L ’épouvante était encore
augmentée par les cris des matelots qui
descendaient dans les chaloupes pour porter
du secours, par les jurements des officiers qui
s’emportaient de la lenteur qu’on mettait à exécuter
leurs ordres. On s’appelle de vaisseau en
vaisseau; les rames à coups précipités frappaient
l’onde bruyante et la mer houleuse s’élancait
avec fracas sur le rivage. Enfin après une demi-
heure d’une cruelle incertitude, l’une des chaloupes
revint et en nous montrant un Turc
trempé d’eau et presque mourant, nous devinâmes
à l’instant que c’était de notre prise qu’il
s’agissait.
On avait désarmé les sept Turcs ; du moins
on le croyait ; des trois matelots qu’on leur avait
donnés pour garde, deux dormaient. Quel fut
l’étonnement du troisième qui était en faction,
de voir sortir de la cahute le skyper, un kindjal
dans un main et un pistolet dans l’autre, qu’il
avait retirés du fond de la cargaison de maïs,
où il les avait cachés. Le matelot n’eut que le
temps de se jeter à la mer en criant au secours,
ne pouvant résister au skyper et à ses six compagnons
, qui s’y jetèrent après lui. Ils avaient
voulu se sauver à la nage chez les Abkhases et
s’épargner .le voyage de Constantinople. Malgré
la promptitude du secours qu’on leur porta, on
ne parvint à en repêcher que deux; un jeune
homme atteignit heureusement le rivage; les
quatre autres, à ce qu’il paraît, périrent dans
leur entreprise. Celui que nos matelots avaient
retrouvé, était le skyper lui-même, qui leur