On conçoit d’après cela qu’il doit être fort difficile d’affirmer que
tel ou tel os isolé est ou non d’une espèce connue, et que tant que
l’on manque du frontal, ou des cornes et de leurs noyaux, les résultats
sont sujets à quelque doute.
Nous avons cherché cependant à laisser à ces doutes le moins de
latitude qu’il nous a été possible, en constatant, par des observations
nombreuses, to ut ce que les espèces pouvoient avoir de caractéristique,
et c’est ce qui nous contraindra de traiter avec détail,
l’ostéologie des animaux vivans de cette famille.
Quant aux fossiles, nous pouvons annoncer, dès ce moment, qu il
s’en trouve dans des gisemens de beaucoup d’époques.
A la vérité, je n’en ai jamais recueilli dans nos plâtrières; mais, on
commence à en apercevoir en même temps que des lophiodons,
dans les bancs de calcaire d’eau douce d’Orléans, qui renferment
aussi des palæothériums. Ils deviennent très-nombreux dans les
grandes couches meubles, où se trouvent les os d’éléphans et de
rhinocéros ; il y en a même autant que de chevaux. Les eavernes
remplies d’ossemens d’animaux carnassiers , contiennent quelquefois
aussi, des débris de ruminans. Enfin, les gîtes qui en abondent particulièrement
, sont les filons remplis par des brèches pétries d’os-
semens et de pierres brisées ou roulées, qui traversent certaines montagnes
du midi de l’Europe.
Les ruminans ont donc existé aussitôt que les autres mammifères,
et ils ont existé dans une proportion numérique, assez notable pour
que leurs os soient fort abondans parmi les fossiles.
Mais, ce qui eSt vrai de la niasse, ne l’est pas de tous les genres
qui la composent.
Lés os de plusieurs 'espèces de cerfs; ceux de plusieurs espèces de
boeufs, se trouvent abondamment dans les gîtes d’oSsemens fossiles;
mais il ne, m’est jamais arrivé d’y rencontrer des os de moutons,
ni de chèvres, ni d’antilopes, ni de giraffes, ni de Chameaux, ni de
lamas, ni de chévrotains qui fussent caractérisés, car je n’oserais dire
que parmi tant de dents ou d’os particuliers, il ne s’en soit jamais
trouvé qui appartinssent à ces genres, attendu qu’il y a quelques^
EN GÉNÉRAL,
unes de ces pièces, dont le genre ne peut être assigné quand on ne
les a qu’isolées; je puis dire seulement avec certitude, que je n’ai
jamais vu un frontal, un noyau de corne, une partie antérieure de
mâchoire, un occiput, en un mot, un os caractéristique qui vint
clairement de l’un de ces genres, ce qui bien certainement, après les
recherches que j’ai faites ou qu’on a faites pour moi, depuis plus de
vingt ans, n’auroitpu arriver, si ces genres étoient seulement chacun
le dixième aussi nombreux, parmi les fossiles, que ceux des cerfs
ou des boeufs.
A la vérité, Pallas fait mention d’une corne d’antilope, trouvée au
cabinet de l’académie de Pétersbourg, parmi les fossiles de Sibérie,
et Camper avoit dessiné, au Muséum britannique, une portion de
mâchoire inférieure qu’il jugeoit de chameau ; mais aucun témoignage
authentique ne disoit que ces deux pièces fussent véritablement
fossiles, et ces deux exemples uniques peuvent n’être que le
produit de quelque dérangement dans cès collections, qui, à certaines
époques, ont été mal soignées.
Rien dans l’état actuel du globe n’explique cette absence. Ce n’ est
point le climat, car les antilopes sont des pays chauds, comme les
éléphans et les rhinocéros; les mouflons, les chamois, les bouquetins,
habitent les pays froids, comme les boeufs et les, cerfs. Ce n’est
point la petitesse, Car il existe des antilopes supérieures aux cerfs,
pour la taille; et le bouquetin, le mouflon surpassent le chevreuil
qu’on trouve parmi les fossiles, sans parler de cette multitude de
très-petits rongeurs ou carnassiers, que leur petitesse n’a pas fait
échapper à mes investigations.
Que si quelque chose peut encore paroître singulier au milieu de
tant de singularités, c’est que les ruminans fossiles appartiennent précisément
à des genres et même à des sous-genres, aujourd’hui plus
communs dans les pays froids, aux aurochs, aux boeufs musqués,
aux élans, aux rennes, tandis que les pachydermes fossiles; les éléphans,
les rhinocéros, les hippopotames, les tapirs, viennent au contraire
de genres aujourd’hui confinés dans la Zone torride.
Nous diviserons cette partie de notre ouvrage comme les précéi
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