maux vivans, et accompagnées de figures fort exactes, il n’y a plus
lieu de douter maintenant de l’existence d’au moins trois espèces
du genre de l’ours particulières aux climats chauds de l’orient. Déjà
inférieure, dans tous les individus que j’ai vus , dépasse la supérieure et se meut également,
soit par contraction, soit en s’allongeant, soit en se portant sur les côtés, ce qui donne à cette
espèce ùnè figure stupidement animée. Ses jambes sont élevées ,-son corps allongé et-ses mouver
mens faciles jxçaraçteres plus pu moins déguisés par la longueur des poils qui touchent presque
à terre quand l’animal est vieux. Sa poitrine est ornée d’une large tache blanche qui figure un
fer à' cheval renverse dont les deux branches Vétendent sur les bras. Cet ours, qui paroît
plus docile , plus intelligent et plus commun au Bengale que les autres espèces , est celui que
les jongleurs instruisent et promènent pour amuser le peuple. On le rencontre souvent dans
les montagnes du Sylhet, aux-environs des lieux habités , où il passe pour exclusivement
frugivore. .
(N. B. I l est évident que ce premier ours de^M. Duvàucel'est le même 'qui aVdiï-ëlê.
pris pour un paresseux. U ursus labia tus, Blaïnv. urs\ lôtigirostéis, Tiedem^'
La plus petite espèce est d’un sixième moins grande que la précédente; Sa tête est
ronde, son front large et son museau fort court. Lé cartilage,dns narines.est arrondi et
fixe, les oreilles sont petites, mais plus apparentes et attachées plus bas que dans la première.
La queue est à peine visible ; le pelage est également ra s , luisant et' serré“ sûr la tête -ainsi
que sur le corps. On remarque au-dessus des yeux une tache d’un'fauve pâle, que l’âge fàit
disparoître ; le museau est d’un roux plus ou moins foncé , et la tache pectorale, également
rousse, présente.sur tous les individus la figure imparfaite d’un large coeur. Cette espèce,
assez rare partout, est néanmoins la plus répandue ; c’est aussi la plus délicate et la plus
modifiée : sa taille surtout varie notablement. Les plus petits viennent du Bégu; les plus
grands,se trouvent dans l’île de Sumatra où ils sont fort communs , et c’est la ;seule espèce
de ce genre qui se soit échappée du continent. Elle cause de grands ravages dans ce pays
en grimpant au sommet des cocotiers pour en boire le lait après avoir dévoré leur.çime. ;
• (N. B. Ce second ours de M. Duvaueel est celui dont M. Diard nOus a envoyé la tête
de Java, pi. X X I I I , fig. 3 et 4. M. Horsfield , dans s es Zoological research.es in
Java, e tc ., n°. IV, donne un ours de Sumatra, qu’il nomme Ursus malaranus> et
qui- est le même.) •
L’espèce intermédiaire a le museau de grosseur médiocre; mais le front, déjà peu élevé
dans les deux précédens, se trouve à peine senti dans celui-ci, et presque sur là même.ligne
que le nez. La disposition du poil est la même que dans là plus grande espècè , et le volume
de la tête également emprunté; seulement le poil étant un peu plus court, Ce càractëre est
un peu moins saillant. Les oreilles sont aussi fort grandes, et.le nez assez semblable à celui
des chiens. Cet ours a le corps ramassé ', le Cou épais et les membres trapus ; mais cette conformation
qui supposeroit une force supérieure ne s’accorde pas avec la foiblèssé 'de ses
ongles, de moitié plus courts que ceux des précédens (peut-être en peut-on déduire que celui-
ci n’est pas grimpeur) ; son museau supérieur est noir à lotit â g e , avec une légère teinte
rousse au bord des lèvres. La mâchoire inférieure est blanche en dessous, et la tache pec-
Turpin avoit annonce des ours a Siam ( i) , f.eg en hl \ Java
K n o xe dans 1’ile fie Ceylan; mais ils n’ayoient pas, pcipyaipcu Zimmerman
(3)5 aujourd hui ilne reste plus d incertitude.
L ’existence de l’ours en Afrique n’est pas aussi incontestable. P lin e
ayant trouvé dans les annales romaines que sous le consulat de Pison
et de MesSàla, c’est-à-dire 61 ans avant Jésus-Christ , Domitius
Ænobarbus, édile curule, avoit montré dans le cirque cent ours
de Numidie, conduits par autant de chasseurs nègres, rapporte ce
fait avec surprise.1 « Je m’étonne, dit-il, de cette épithète numidique-,
» car il est certain que l’Afrique ne produit point d’ours (4)-à) Urstnùs
Lipse et Tossius ont pensé que par ce mot l’annaliste avoit voulu
désigner des lions, comme les éléphans furent d’abord appelés boeufs
de L u c a n ie et ils ont rapporté des médailles de cet Ænobarbus
où le revers représente un homme combattant contre un lion. Mais
comment les Romains, qui, selon ce même Pline, avoiént déjà vu
plusieurs fois dè nombreuses troupes de lions, auroient-ils pu nommer
cet animal d’une manière si détournée ? Comment surtout Pline
toràle a la forme d’une fourche dont les deux branchés, très-écartées, occupent toute la
poitrine, et dont la qüëue Se prolonge jusqu’au milieu du ventre. Cet ours a été trouvé
d’abord par M. Wallich dans les montagnes du Napaul, et je l’ai' rencontré également dans
celles du Sylhet. Il paroît moins répandu et plus féroce que les dèux autres.
Il me sèroit facile de multiplier les dissemblances entre ces trois espèces, en comparant minutieusement
chacune de leurs parties ; mais je présume que l’inspection seule de mes figures
suffira pour vous ôter tout soupçon d’identité, et vous persuader que nous avons dans l’Inde
trois ours invariablement noirs;.car j’ai vu un assez grand nombre d’individus.de chaque espèce
pour assurer que leur pelage conserve la même couleur à tout âge comme en toute saison.
Quant aux dents, je ne connois un peu que celles de mon second ours, qui porte au
moins trois fausses molaires. Il est assez probable que le troisième, si différent des deux
autres, porte aussi quelque anomalie odontologique , et c’est ce dont je m’assurerai dès que
mes modèles seront morts.
(N. B. Je nommerai ce troisième ours.de M. Duvaueel Ursus Thibetanus.)
Les figures des trois espèces seront incessamment publiées par mon frère.
(1) Hist. de Siam, I , 3o$.
(2) F ’oy. autour du Monde, III, 85.
.,.,,(3) Specim. Zool. Geogr., p. 277.
, (4) Plin.g lib- YH I , cap. 36 et cap. 58.