U ours noir d’Amérique forme, selon moi, une troisième espèce
plus voisine de l’ours noir d’Europe que de Y ours brun; on peut
cependant aussi le distinguer du premierpar des caractères assez sûrs.
Sa tête osseuse est plus courte à proportion de Sa grosseur ; et ses
arcades zygomatiques moins convexes, moins écartées du crâne,
laissent par conséquent moins de volume au muscle crotaphite ; ce
qui explique jusqu’à un certain point le naturel plus doux de cette
espèce, attesté partons les voyageurs. Yoyez pl. X X I I , fig. 5 et 6.
D’un autre côté, son front est bombé comme dans Y ours bruny
et non p la t ou concave comme dans le noir; et cependant ses crêtes
temporales sont bien marquées, et se rapprochent de bonne heure
pour former une crête sagittale qui occupe sur le crâne autant d’ espace
que dans les ours noirs d’Europe.
Il faut remarquer ici que dans les uns et les autres'/ ainsi- que dans
tous les carnassiers, la crête sagittale augmente de longueur avec
l’âge, parce que les crotaphites grossissent et produisent des impressions
plus marquées; mais cette observation n’altère én rien la justesse
de la distinction que nous établissons entre l’ours brun et l’ours
noir, parce que le premier n’a de longue crête sagittale à aucun âgé.
Le poil de cet ours est généralement d’un beau noir, bien lisse,
bien luisant. Dans sa première jeunesse il est plus brun, couleur de
chocolat; et à un certain âge il se couvre d’un duvet gris, avant de
prendre son beau noir.
Dans tous les temps ee noir est la teinte de l’extrémité des poils;
et leur base est d’un gris brun plus ou moins pâle, ce qui est l’opposé
de l’ours brun d’Europe.
Sur plusieurs individus adultes que j’ai observés, deux, qui étoient
mâle et femelle, de même âge, se ressembloient entièrement : leur
museau étoit brun foncé dessus, et gris-fauve aux côtés ; une petite
tache fauve marquoit le devant de l’oeil : tout le reste étoit d’un beau
noir luisant. Un troisième, mort de maladie, avoit le poil un peu plus
brun et moins lisse, et la tache de l’oeil moins marquée. Un quatrième
est du plus beau noir, sans tache à l’oeil; son museau est brun en
dessus, et les bords de ses deux lèvres sont blanchâtres; deux lignes
blanchâtres occupent la région du sternum entre les jambes de devant,
et représentent un H. Je regarde cet ours comme une variété individuelle
; mais on doit remarquer ces traits blancs de la poitrine, qui
vont reparoître dans les ours des Indes.
Un cinquième qui forme une variété encore plus marquée a vécu
à Chantilly. Il est aujourd’hui au cabinet de l’Académie de Leyde.
Son noir est fort beau ; tout le tour de son museau est fauve-clair ;
une tache blanche occupe le sommet de la tête, une ligne blanche,
commençant sur la racine du nez, va de chaque côté à l’angle de
la bouche et se cpntinue sur la joue jusqu’à un grand espace blanc
mêlé d’un peu de fauve, qui occupe toute la gorge, et dont une
ligne étroite descend sur la poitrine. C’est Y ours gulaire de M. Geoffroy
(Catal. des quadr; du Mus. d’Hist. Naturelle).
Je regarde encore comme une variété individuelle de cette espèce,
Y ours ja u n e de Caroline, qui étoit à la ménagerie de la Tour de
Londres en 17S8 , et dont on voit la figure dans l’ouvrage intitulé
Animais drastmjrom nature, by Charles Cation. Le fauve du
museau et de la gorge des. précédens se sera étendu sur tout le
corps.
Les ours noirs d’Amérique ont fait des petits à la Ménagerie. Ils
sont d’un cendré clair, uniforme et sans collier.
Il paroît que l’Amérique produit aussi des ours différens de son
ours noir ordinaire. Heame compte, outre l’ours p olaire, ou blanc
maritime, et Y ours noir ordinaire, un ours g ris dont il n’a vu que
la peau, mais qui devoit être énorme. (Voyage de Hearne, trad.
fr., in-8°., I I , p. 196. )
Le savant naturaliste M. Bosc m’assure qu’il y en a au moins de
trois1 espèces dans- les Etats-Unis«, dont un plus grand que le noir
ordinaire ; il n’a cependant vu par lui-même que celui-ci. C’est à peu
près aussi ee qu’annonce M. TVarden ( Descrip. des É ta ts-U n is,