Ge nom de bison, que l’on donne encore aujourd’hui en quelques
cantousà l’aurochs (on le prononcebisent ou »lisent), est d’origine
teutonique, et vient du mot bisarn [musc) ; il exprime la forte
odeur de musc que répandent les vieux mâles de cette espèce.
Ainsi c’est Y aurochs d’aujourd’hui qui est bien réellement le bo-
nasus ou le bison des anciens.
Il s’agit maintenant de chercher Yurus ou cet animal de Germanie
que les ignorans nommoient bubalus.
H erberstein, qui avoit bien reconnu le bison dans Y aurochs ou
le zu br, dont il donne une figure très-passable ( i); dut s’occuper de
Yurus, et crut le trouver dans une autre sorte de boeufs , -noirsysans
crinière, dont il y avoit quelques individus dans certains pares de la
Masovie (2), et que l’on y nommoit thur.
La figure assez grossière qu’il en donne ressemble- à un boeuf ordinaire
(3).
Si l’on y regarde bien, on trouvera que c’est sur ce 'seul témoignage
que s’appuient les auteurs qui ont cru, comme Buffon, qu’il
y a encore en Pologne deux races de boeufs sauvages; une à bosse,
qu’ils ont nommée bison, et une sans bosse qu’ils appellent unjs:(4).
Mais nous savons aujourd’hui, par le témoignage; de Pallas (5) ,
que le zu b r, ou bison, ou boe uf sauvage velu des anciens , en un * 2 3 4 5
(4} Dé Reb. Moscoviticis.comment,, p. 8 3 , copiée Gesner, édit, de i 6o3 , p. 4 ^ 0 .au
mot bison ; mais c’est aussi à cette espèce qu’appartient la figure de TVied, dont Gesner donne
la copié âu mot urus, p. i^3.
(2) Uros sola Masowia, Lithuanice contermina habet ; quos ibipatrio nomme thur vocant
------------ non est magna horum copia: suntque certi p a g i, quibus cura et custodia eorum
incumbit : necfere aliter quam invivariis quibusdarh servàritur. Ib id ., p. 81.
(3) Comment, de Reb. Moscovit., p. 82, et copiée dans Gesner, édit, dé i6o3 , p. i4 5 ,
au mot urus.
(4) "Voyez Sitff., X I , », 2 9 1 .N . B. A cette erreur Buffon en joint une autre; c’est de
dériver de ce. prétendu bison à bosse , qui ne seroit autre que le vieux zubr ou aurochs , tous
les zebus ou boeufs bossus de l’Afrique et des Indes, qui sont dés variétés dans l’espèce du
boeuf domestique , tandis qu’il dérive de son prétendu'urus ou bison sans bosse , nos boeufs
domestiques ordinaires ce qui l’a conduit ensuite à plusieurs raisonnemens qui pèchent
tous par cette fausse base.
(5) Voy. dans les Acta petrop., pour 1777 , IIe. pa rt., p. 232 , les observât içnsgénérales
sur les espèces sauvages de gros bétail, par Pallas.
mot YauT'ochsy n5ci dâbord rien (jui rossomblo 3. udo bosse, msis
qu’il finit avec l’âge par prendre l’air bossu, à.cause de la saillie de
ses apophyses| épineuses du dos et des. longs poils qui y croissent.
Le bison bossu n’est donc qu’un vieux zu br, un vieil aurochs.
Le même naturaliste ajoute que le thur, dont Herberstein a voulu
faire Yurus,-n’est probablement autre chose que le buffle, qui n’est
point naturel à la Pologne, et que l’on y a introduit dans le moyen âge.
Mais il se pourroit aussi, selon moi, que ce thur ait été du temps
d’Herberstein un animal réelet distinct qui aura péri depuis, comme
l’aurochs lui-même est aujourd’hui, au rapport de tous les écrivains
Prussiens et Polonais y menacé d’une prochaine destruction; cette
conjecture s’appuieroit aisément sur la figure qu’il donne et dont les
cornes et le museau ressemblent beaucoup plus au boeuf qu’au buffle.
Elle seroit bien confirmée par les notices que donnent, sur le
thur, A ntoine de Schneeberg e t Bonarus ( dans Gesner, édit, de
1606, p. 14-1 et 142). Les cornes dirigées en avant, dont parle le
premier, repoussent l’idée qu’il ait pu être question du buffle ; et le
dernier jeu supposant que le thumest né de l’accouplement de la
vache commune avec le bison ( l’aurochs) que la Masovie possède
aussi, dit-il ^ prouve bien qu’il croyoit à la distinction de ces deux
animaux.
On ne peut guère adopter l’idée de Scaliger ( i) , que le même
animal ait porté deux noms dans des provinces, différentes; les dictionnaires
polon ais expliquent les mots zubr et thur comme Herberstein
(2)1;.»-
Ce qui est certain, c’est que depuis deux siècles les naturalistes
ne connoissent dans ce pays qu’un seul boeuf sauvage. Le prétendu
urus de Gesner (3) copié de la table de Moscovie de FVied, ne diffère
en rien du bison d’Herberstein, c’est-à-dire de Y aurochs.
Ce que Raczinsky (4) compile sous le mot thur, ne se rapporte
(1) V e Sublic. exercit., 206, n°. 3.
(2) Thesaur. polono-latino-groecus de Canapius, aux mots zubr et thur.
(3) Gesner, édit, de i 6o3:, p. i43.
(4) Hist. Nat. P o l., p. 228.