s’être proposé de n’admettre parmi les fossiles, aucun animal inconnu,
qui m’a combattu même sur les plus évidentes de mes propositions
en ce genre, puisqu’il n’a voulu regarder ni l’éléphant à
longs alvéoles, ni le rhinocéros à museau prolongé, ni le crocodile
de Honfleur, comme des espèces nouvelles, a fini par donner pour
telles, deux crânes fossiles du genre des boeufs, qu’il a décrits et
représentés une première fois dans ses Essais de Géologie ( tom. I ,
pag. 329 et suiv., et pl. X V I I ) , et une seconde dans les Annales du
Muséum d’histoire naturelle (tom. II, pag. 188, pl. X X X I I I et
X X X IV ) , affirmant à plusieurs reprises que ni l’un ni l’autre n’est
un crâne d’aurochs, et disant que s’il reste quelque espoir d’en
trouver les espèces vivantes, ce sera apparemment dans les parties
intérieures et peu connues des Indes.
Il n’étoit pas nécessaire d’aller si loin; la vérité est, que le premier
de ces crânes est aussi semblable qu’il est possible à celui d un
aurochs; et, chose bien plus singulière encore, que le second appartient
tout simplement- à l’espèce de notre boe uf domestique, et en a
tous les caractères. La grandeur de l’un et de l’autre comparée aux
squelettes ordinaires de nos cabinets, et la direction des cornes, ont
seules fait illusion ; mais les naturalistes savent bien que ce ne sont
pas là des caractères constans ni propres à distinguer les espèces.
M. Faujas s’est donc arrêté au moment de faire une belle découverte;
car il auroit pu, au moyen de ces deux crânes, reconnoître
que le boe uf commun e t l’aurochs, loin de dériver l’un de l’autre,
comme la plupart des naturalistes l’ont cru jusqu’à moi, descendent
de deux espèces également anciennes, et qui ont existé dans nos
climats à des époques plus ou moins reculées et peut-être ensemble.
Ainsi dans ce chapitre, comme en tant d’autres endroits de cet
ouvrage, je me vois obligé de retracer d’abord la distinction des
espèces aujourd’hui existantes, et les caractères qui rendent recon-
noissables les principales pièces de leur squelette.
Je commencerai par rappeler les différences spécifiques que j ai
établies depuis quelques années, entre le boe uf commun et l'aurochs.
- « Le front du boeuf est plat et même un peu concave ; celui de
» Y aurochs est bombé, quoiqu’un peu moins que dans le buffle; ce
» même front est carré dans le boe itf, sa hauteur étant à peu près
» égale à sa largeur, en prenant sa base entre les orbites; dans
» Y aurochs, en le mesurant de même, il est beaucoup plus large
» que haut, comme trois à deux. Les cornes sont attachées, dans le
» boeuf, aux extrémités de la ligne saillante la plus élevée de la tête,
» celle qui sépare l’occiput du front; dans Y aurochs, cette ligne
» est deux pouces plus en arrière que la racine des cornes; le plan
» de l’oeciput fait .un angle aigu avec le front dans le boeuf; cet
» angle est obtus dans Y aurochs ; enfin ce plan de l’occiput qua-
» drangulaire dans le boeuf, représente un demi-cercle dans Yau-
» rochs (1). »
Ces caractères assignés à l’espèce du boeuf, ne sont pas seulement
ceux d’une ou deux variétés ; ils se sont trouvés constans, non-seulement
dans tous nos boeufs et vaches ordinaires, mais encore dans
•toutes les variétés étrangères que nous avons examinées, telles que
les petits boeufs d’Écosse; les boeufs à grandes cornes, de la Ro-
magne ; les boeufs sans cornes ; les zébus ou boeufs à bosse, grands
et petits, avec des cornes et sans cornes ; enfin jusque dans les crânes
embaumés de boeufs, rapportés des grottes de la Haute-Égypte par
M. Geoffroy.
On peut s’en assurer en examinant la pl. IX , où, à côté du crâne
de Y aurochs, fig. 1 et 2, j’ai fait représenter, i°. celui du boeuf sans
cornes, fig. 3 et 45 2°. celui du zébu à cornes, fig. 5 et 6; 3°. celui
d’un boeuf de la Romagne à grandes cornes, fig. 7 et 8 ; 4°. celui d’un
petit boeuf d’Ecosse à cornes descendantes, fig. 9 et 10, que j’ai fait
suivre de ceux des différens buffles, tous d’après la même échelle,
c’est-à-dire réduits au dixième.
Si l’on ajoute encore à ces caractères pris du crâne, cette circonstance
déjà observée par Daubenton (2) et par moi, que Yau-
(1) Ménagerie du Muséum d’Histoire naturelle, art. du zébu.
(2) Hist. N at., X I , p. 4 18. •, ;