rameaux écartés comme des palmes; ce n’étoit autre chose qu-un
renne mal décrit; et si l’on-veut voir ce qu’en a dit A lb e r t, le
premier a donné au renne son nom de rangifer, on ne trouvera pas
que l’idée qu’il donne de son bois soit beaucoup plus exacte.
Quant à l’ctlce, dont le nom rappelle déjà celui de X elk ou de
l’éla n , il ne paroît pas avoir donné lieu à moins de fables ni à des descriptions
moins bizarres.
Selon César (loc. cit.) , il n’est guère plus grand qu’une chèvre;
il n’a point de cornes ; son poil est de couleur variée,, et ses jambes
manquent de jointures.
Selon P lin e , l’alee ressemble à un.cheval, sauf la longueur des
oreilles et du cou ; mais le machlis (probablement un autre nom de
l’élan) manque de jointures, et ne peut paître qu’en rétrogradant,.
•tant sa lèvre supérieure est grosse et saillante.
Selon P.ausanias ( in Boeotic. ),V a lc e est entre le eerfetle chameau,
et ( in Æ liac. ) ses bois naissent sur ses sourcils-
On voit que la grandeur de l’animal, la grosseur de la lèvre, la
position des bois , sont passablement indiqués. Ce défaut même de
jointures est une fable encore en vogue dans les pays du nord, et
qui tient sans doute à la roideur que cet animal a quelquefois dans
les jambes, ou à l’opinion où est le peuple , qu’il est sujet à l’épilepsie;
opinion qui, elle-même, ne tient peut-être qu’à l’équivoque-
de son nom E len d , qui signifie aussi misérable.
Ces erreurs .tiennent à ce que les anciens n’avoient pas trouvé ces.
animaux dans les pays qu’ils âvoient soumis, et n’en parloient que sur
le rapport des peuples avec qui ils entretenoient commerce ;,. les
Grecs sur les récits des Scythes qui descendoient jusqu’à la merNoire,.
et les Romains sur ceux des peuplades germaniques, dont les courses
s’étendoient depuis le Rhin jusqu’aux bords de la mer Baltique.
Aussi ne faut-il pas croire ( i ) , comme on l’a répété si souvent,
(x) Note sur la prétendue existence du Renne en France dans lé moyen âge..
C’est une opinion presque généralement reçue parmi les naturalistes que l'espece du
renne subsistoit en France, au moins dans les Pyrénées, à une époque aussi, rapprochée
de nous que le quatorzième siècle ; et cette opinion en a fait naître d’autres sur les ch.angeque
le renne ait habité, dans le moyen âge, sur nos Pyrénées. J’ai
constaté que cette opinion ne repose que sur un passage tronqué de
Gaston Phébus, qui, dans la vraie leçon, dit précisément le contraire.
J’insiste d’autant plus sllr cette rectification, que l’on a voulu tirer
mens de température et sur l’origine de plusieurs de nos os fossiles. Ce qui est singulier,
c’est que ce fut BufFon qui lui donna cours le premier, toute contraire qu’elle deVoit lui
paroître à son système, sur le refroidissement graduel du globe. Quinze siècles apres Jules-
César, dit-il (X I I , 83) , G aston P hoe bus semble parler dû renne sous le nom de rangier,
comme d’un animal qui auroit existé de son temps dans nos forêts de France, etc.
Ce Gaston Phoebus est Gaston I I I , comte de Foix et sejgneur du Béarn , né en i 33i -, -
mort en i-3o o , et auteur d’un livre de chasse intitulé le Miroir de Phébus des déduits
de la Chasse, dans lequel il décrit assez exactement le renne et la manière de le
chasser. Comme ce prince avoit ses terres au pied des Pyrénées, BufFon jugeoit qu’il ne
pouvoit avoir vu cet animal que dans cette contrée, et c’est là-dessus qù’il fondoit
sa supposition.
Le comte de Mellin, dans son histoire du renne (Écrits des Natur. de Berlin, Y I , ']) ,
adopte entièrement l’idée de BufFon; et si Pierre Camper (OEuvres, trad. f r . , I , 3og)
cherche à élever quelques doutes contre elle , il est relevé assez rudement par Schrebèr
(Mammif., V e. pa rt., p. 104.2, n ote), qui va Jusqu’à soutenir que ce grand anatomiste
n’a pas compris Gaston.
Pour m o i, m’apercevant que BufFon et les autres ne citoient Gaston que d’après Dufouil-
loux, je soupçonnai promptement qu’ils ne le citoient que d’après, une citation incomplète ;
je fus confirmé dans cette pensée par un article de Ménage , emprunté de Nicod ( Thrésor
de la Langue, p. 537 , art. rangier) , où se trouve ce passage: Phoebus dit que de rangier
i l n’en a point vu en Romain pays; trop bien en Mauritanie, où i l Va vu prendre à force
de chiens qu’on nomme baulx.
A la vérité l’existence du renne en Mauritanie auroit été encore plus extraordinaire
qu’en Béarn ; mais l’auteur lui-même pouvoit seul m’expliquer ce qu’il y avoit d’exact
dans la phrase de Nicod.
Je consultai donc les éditions imprimées du Miroir de Phébus* Elles sont en caractères
gothiques et sans date. .
Dans celle de Philippe-le—Noir on trouve ces mots :
J ’en ai veu en Morienne et prendre outre mer,
Mais en Romain pais en ay plus veu.
Dans l’édition d’Antoine Yérard , qui est plus belle , le passage est encore moins intelligible
; il est comme suit :
J ’en ay veu en Morienne et Pueudeve oultre mer, mais en Romain pays
■ en ay je plus veu.
On voit que tout cela ne me donnoit pas un grand éclaircissement. Qu’est-ce que la
Morienne, qui sans doute n’est pas celle de Savoie, puisqu’elle est outre mer? Qu’est-ce
que la Pueudeve ?
Cependant si ce passage ne m’apprenoit point où Gaston avoit vu des rennes, il me disoit