auroit-il ignoré cette synonymie qui devoit encore être en usage de
son temps? car on retrouve des ours de Libye dans des auteurs ses
contemporains, Juvénal (i) et M artial (a). Long-temps avant eux
Virgile l’avoit employée (3). S o lin , et parmi les modernes Crinitus,
Saumaise, Aldrouande et Zimmerman, ont donc pris le parti de
l’annaliste, et soutenu que l’ours existe en Afrique, mais rarement.
Solin dit même qu’il y est plus beau, revêtu de poils plus longs et
d’un naturel plus furieux (4). Mais le témoignage d’un tel auteur,
et même celui de Strabon, qui place des ours en Arabie; auroit
besoin d’être confirmé par des voyageurs modernes jouissant de
quelque autorité.
Or je ne trouve que Shaw qui donne des ours à la Barbarie, et il
le fait dans une simple énumération, sans en rien dire dé particulier
et sans qu’il paroisse les avoir vus; et M. Desfontaines, ce savant et
courageux naturaliste, qui a fait un long séjour à A lger et qui a si
soigneusement visité l’Atlas, n’y a jamais aperçu d’ôürs, et â seulement
entendu dire assez vaguement qu’il pourrait ÿ ‘êrf avoir dans
les forêts des environs de la Calle.
Prosper A lp in attribue des ours à l’Égypte, maîs'déSdùrs qui
bien sûrement n’en sont pas; car il les dit de la taille d’un mouton
et de couleur blanchâtre (5); et jamais aucun des naturalistes de
notre expédition n’y en a vu de véritables.
Poncet dit bien qu’une de ses mules fut blessée en Nubie par un
ours ; mais Bruce pense qu’il aura confondu le mot arabe dubbtth,
qui signifie une hyène, avec dubb, qui signifié un ours. Bruàê ksSfire
même positivement à cette occasion qu’il n’y a d’ours dans aucune
partie de l’Afrique. Je ne parlerai pas de Dapper qui place des ours * 4 5
(ï) Nec profuit misero quod commits ursos
Figebat Nwfiidas... , . . . . . . . . Juv., sat. IV, v. ioô. ’
; (?) Quod frenis Libjrci domantur ursi. ■ Mart. , lib. I , ep. 0 V , v. 5.
$ ) } , , .... - l .• > . rt . > fi • ;• *. . f'» -dCÇSÏfy .. { ;
Horridus in jaculis et pelle Liby.stidis ursce. ViRG., Æn. V, v. 3.6- 37.
(4) Solin, Polyhist., cap. X X V I.
(5) Prosper A lp ., De reb. Æ g ., p. a32.
au Congo. C’est un compilateur dont aucun voyageur n’a appuyé le
témoignage, et qui étoit trop ignorant en histoire naturelle pour qué
son rapport isolé puisse mériter quelque confiance. Il est certain au
contraire que personne n’a jamais vu d’ours dans le midi de l’Afrique.
Il y en auroit même dans l’Amérique méridionale, si l’on vouloit
s’en rapporter aux anciens descripteurs de cette contrée. Acosta et
Garcilasso en placent au Pérou : mais les naturalistes plus récents
n’y eh ayant point vu, on doit croire que l’on avoit pris pour des
ours les grands tamanoirs que beaucoup de voyageurs ont nommés
Ours fourm iliers.
L ours blancpolaire ou maritime {Jü. maritimus) diffère plus de
tous les autres que ceux-ci ne diffèrent entre eux. Sa tête osseuse ,
pl. X X et X X I, fig. 4, est pour ainsi dire tout d’une venue. Le crâne,
bien loin de s’élever au-dessus de la face, Semble au contraire s’abaisser.
L ’intervalle des orbites ne se distingue point de la ligne générale du
dessus du crâne. Les apophyses post-orbitaires du frontal sont courtes
et obtuses ; les crêtes temporales sont presque nulles, et l’on voit
cependant que les muscles crotaphites se rapprochoientplus en avant
que dans tous les autres; mais ils n’ont point laissé d’impressions profondes.
Les arcades zygomatiques sont moins écartées en dehors que
dans tous les autres, même que dans Yours d ’A m é r iq u e elles sont
aussi plus étroites ; le bord inférieur de la màchoire est plus rectiligne :
en un mot, cette tête est plus cylindrique, plus approchante de la
forme de celle de la marte ou du putois, que de celle des ours ordinaires.
La tête représentée par P a lla s, Spicil. Z o o l., XIV, pl. I , quoique
assez médiocrement dessinée, porte, comme celle de notre Muséum,
tous les caractères que je viens d’indiquer. Nous les avons retrouvés
aussi dans une tête d'ourspolaire qui nous a été donnée à Bremen,
et dans une autre que l’on conserve dans la même ville.