rochs a quatorze paires de côtes, tandis que le boeuf, comme la plupart
des ruminans, n’en a que treize ; cette autre, que les jambes de Xaurochs
sont plus minces et plus longues que celles du taureau et du
biiffle; et cette troisième, rapportée par M. G ilib ert(i), que sa langue
est d’une couleur bleue, l’on trouvera sans doute que c’est avec un
peu de légèreté que nos plus grands naturalistes ont regardé l’aurochs
comme la tige sauvage de nos boeufs domestiques (2).
A ces caractères fondamentaux, et qui tiennent à la structure intime
de l’animal, se joignent ceux qui sont tirés du pélage, et qui
assignent manifestement à l’aurochs un pays froid pour patrie.
Gilibert les expose en détail et avec beaucoup d’exactitude (3) :
« Les poils de la vache sont roides et couchés sur la peau ; ceux de
» la bisonne (4) sont mous , et se dirigent à angle obtus ; dans la
» vache ils sont uniformes ; dans la bisonne il y en a de deux
» sortes, comme dans le castor; lés uns courts et fauves; les autres
» plus longs, d’un châtain noirâtre ; les plus longs sont au bas du cou
» près des épaules, et ceux du mâle sont quadruples de la femelle ;
» il y en a de plus longs encore sous la mâchoire inférieure et sous
» le cou; et ceux des cuisses de devant descendent jusqu’à mi-jambe,
» et quelquefois jusqu’aux pieds. Ils sont tous mous et laineux; le
» long de la nuque jusqu’au garrot il y en a une suite d’un peu re-
» dressés; mais sur le dos et les parties postérieures, le poil est
» court, ce qui fait paroître le derrière de l’animal plus mince à
» proportion que dans le boeuf. La queue descend jusqu’au jarret, et
» est garnie de poils longs et épais vers l’extrémité. En été l’aurochs
» perd la plus grande partie de ses longs poils et prend alors un tout
» autre aspect, mais il ne change les poils courts que petit à petit
» et sa peau n’est jamais nue. C’est surtout le poil du sommet de
» la tète qui répand une forte odeur de musc, surtout en hiver,
(1) Gilibert, Opusculaphytologico-zoologicaprima, p. 70.
(2) Bu jf., XII, 307 ; Lin., Bos taurusférus.
(3) Loc. c it., p. 63.
(4) Pa r bison Gilibert entend Y aurochs des Allemands d’aujourd’h u i , et nous allons voir
que le hasard l’ avoit bien guidé.
» mais cette odeur se perd par degrés dans l’état domestique. Les
» poils du mâle sont plus noirs ; ceux du front et de la face sont
» plus longs et plus crépus ; l’odeur en est plus forte ; mais les cornes
» sont petites dans les deux sexes.
» L’épaisseur du cuir de l’aurochs est double de celle du cuir de
» boeuf. Les individus observés vivans montroient une grande anti-
» pathie pour le bétail ordinaire.
Il paroît donc bien certain que cet animal, le plus grand ou du
moins le plus massif de tous après les rhinocéros, que les Allemands
de Prusse nomment aurochs, les Polonais zubr ■ haut sur jambes,
à queue longue, à garrot très-saillant dans l’adulte, à cornes médiocres
, à tête et encolure garnies de longs poils laineux et à gorge
barbue, à forte odeur de musc, qui existe encore à l’état sauvage
dans quelques forêts de la Lithuanie, et peut-être de la Moldavie,
de la Yalachie et des environs du Caucase (i), est une espèce distincte,
qui n’a point été la souche de nos boeufs domestiques, et
qui ne paroît même jamais avoir été domptée.
Mais existe-t-il en Europe une seconde espèce sauvage , distincte
de cet aurochs, comme l’ont cru plusieurs auteurs même
des plus modernes ? C’est une question qui a besoin de plus d’examen
que la précédente.
Il est d’abord de fait qu’Aristote parle de deux espèces de boeufs
sauvages. La première qu’il nomme tantôt Bonasus(p), tantôt B o lin -
thus (3) et aussi Monepus et Monapus, étoit originaire de la Poeonie,
c’est-à-dire de cette partie de la Thrace que nous appelons aujourd’hui
la Bulgarie, et par conséquent très-voisine du pays actuel des
aurochs. « Plus épaisse et plus forte que le boeuf commun ; une
» crinière lui garnissoit la nuque jusqu’aux épaules, et lui pendoit
» jusque devant les yeux ; le poil en étoit plus doux et plus
(1) C’est une chose bien remarquable que Y aurochs n’existe dans aucune des vastes forets
de la Russie et de l’Asie septentrional«, où rien n’auroit pu la détruire si elle y avoit pénétré.
(P a il., Act. petrop., 1777, part. I I , p. 233.)
(2) Hist. Anim., 1. IX , c. 71 ; départ. Anim., 1. I I I , c. 2.
(3) De Mirabil. Auscult., I.