
jets ; il a peut-être encore été plus exigeant avec le
Chah de Perse, qui ne gouverne aujourd’hui son Empire
qu’en s’inspirant de sa volonté et en lui laissant
la haute main sur l’administration de ses plus belles
provinces.
Si l’on s’est parfois plaint avec raison du peu d’intérêt
que manifeste le gouvernement indo-britannique
pour certaines questions touchant au bien-être
et à l’amélioration morale de ses administrés, que
dirait-on si l’on dévoilait les secrets, du reste très-
mal gardés, de l’administration russe dans ses nouvelles
conquêtes? La vénalité des fonctionnaires publics
y dépasse tout ce qu’ on peut imaginer, les
concussions et les déprédations y sont permanentes.
Ils pressurent leurs administrés à un tel point que les
populations chrétiennes qui sont passées du pachalik
cl’Erzeroum et de l’Azerbaïdjan dans la province
d’Érivan sont aujourd’hui si malheureuses, qu’elles
regrettent leur transmigration et ne reculent devant
aucune des rigueurs déployées contre elles quand on
s’aperçoit de leur fuite pour rentrer sous la domination
des musulmans*, Tel n ’est pas le sort des chrétiens
du Sud de la Turkie et de la Perse. Ceux d’entre
eux qui émigrent dans l’Inde trouvent chez les Anglais
la liberté, la sécurité et peuvent toujours, pour
1 L'administration russe a fait de grands progrès depuis que
ce qui précède a été écrit, tandis qu’au contraire te gouvernement
Turk est faible et oppresseur. Les sympathies des chrétiens
résidant en Turkie sont toules pour les Russes; mais, au cas où
la Turkie changerait de manière d’agir, la question deviendrait
dès lors bien différente.—Ed.
peu qu’ils soient intelligents, réaliser une petite .fortune
qui ne tentera jamais l’avidité de leurs fonctionnaires,
Sous la domination russe, au contraire, tout
s’étiole prématurément.
Ce contraste entre l’extension que prend la Russie
et ses désordres intérieurs dénote que le Czar a
encore beaucoup à faire pour justifier les prétentions
qu’il affiche à la domination universelle. Je me
résume donc, en répétant que le plus regrettable
côté des conquêtes russes et anglaises est de détruire
l’équilibre entre les nations et de faire passer
du côté.de ces deux peuples une somme de puissance
et de richesses peu rassurante pour l’indépendance
politique de leurs voisins. J’avoue sincèrement que je
vois l’agrandissement de la Russie avec effroi, car sa
domination mettra la barbarie aux prises avec la civilisation,
et il n’y aurait rjen à espérer de bon de ce
contact.
La nation anglaise, il est vrai, a de tout temps fait
passer en première ligne son amour pour les richesses
et ce penchant lui a fait commettre bien des actes réprouvés
par la morale européenne; mon but n’est pas
de l’en justifier, mais elle rachète à mes yeux une
partie de ses to rts, en introduisant des améliorations
incontestables dans les contrées où elle établit
sa domination. Comme il ne m’est pas possible d’en
dire autant des Russes, on comprendra pourquoi mes
sympathies ne sont point pour eux.
Somme toute, les autres puissances européennes
n’auront à s’en prendre qu’à elles-mêmes des malheurs
que l’Angleterre et la Russie pourront un jour