
coule sans interruption depuis sa source jusqu’à sa
perte dans le lac du Sistan.
Pour une armée qui se rendrait, pendant l’été, de
Hérat à Kandahar et vice versâ, c’est la véritable route
à suivre. On pourrait ensuite prolonger le mouvement
le long de l’Hirmend pour ne pas être exposé à
manquer d’eau. Il n’est donc pas étonnant que les
Anglais, qui ont eu à peu près seuls jusqu’ici le privilège
de visiter ce pays, aient laissé ignorer ses ressources
et sa topographie aux Russes, dont ils ne cessent
avec raison de redouter une invasion dans l’Inde.
Kach-Djabéràne et Tchâh-Djéhàne. — 13 farsangs.
— 26 juillet. Chemin parcourant tour à tour des plaines
et des montagnes, qui vont toujours en s’abais-
sant vers le sud; sol inculte, inhabité, mais partout
couvert de tamariscs jusqu’à Kach-Djabéràne, village
fermé d’une muraille en terre et situé à 6 farsangs
d’Adreskiân.
La chaleur fut incroyable pendant cette étape, et
nous ne trouvâmes pas une goutte d’eau aux environs
de la route pour satisfaire notre soif ardente. Il y a
soixante-seize maisons à Kach-Djabéràne : l’eau d’un
kariz passe sous les murs et sert à arroser quelques
petites cultures de cette localité. A 2 farsangs plus
à l’ouest, se trouve la petite ville forteresse de Seb-
zavar ou Sebzar1, qu’il ne faut pas confondre avec
celle de Sebz-Var en Khorassan, de laquelle j ’ai parlé
quand j ’y passai.
1 Le vrai nom de cet endroit est Isphizar, ce qui, en vieux
persan, signifie Pâturage des chevaux. C’est de ce mot que
dériVe Sebzavar ou Sebzar, par corruption.—Ed.
Sebzavar est situé à l’extrémité d’une grande
plaine oblongue, pouvant avoir de dix à douze lieues
de circonférence, où l’on voit çà et là quelques petits
villages et des tentes de nomades. Des ruines d’édifices,
de maisons et de kariz desséchés prouvent que cette
plaine était autrefois très-peuplée et très-fertile; mais
les guerres entre la principauté de Hérat, dont elle
dépend, et celle de Kandahar l’ont réduite au triste
état où elle se trouve aujourd’hui.
Dèslepremier jour, je visqu’il serait imprudentd’a-
voir une trop grande confiance en mon guide Djabbar-
Khan et en mes deux domestiques. Aussitôt que
nous fûmes descendus à Djabéràne, ils n’eurent rien de
plus pressé que d’aller dire aux habitants qu’un Fren-
gui était arrivé ; en un instant la petite tente que le
Sertip La’l-Méhémed- Khan m’avait donnée pour mon
usage fut remplie d’Afghans, qui se juchaient les uns
sur les autres pour me considérer tout à leur aise,
comme ils l’auraient fait d’une bête curieuse. Sans
doute aussi ils venaient voir s’il ne leur serait pas possible
de s’emparer de quelques-unes de mes hardes,
car la pensée du vol occupe constamment leur esprit :
ils le mettent à la torture pour savoir comment ils
pourront s’emparer du bien d’autrui. Accroupis du
matin au soir dans leur maison ou dans leur tente, les
Afghans n’ont pas d’autre conversation entre eux.
Naturellement, j’étais mal à l’aise dans leur société.
Avec leur sans-gêne habituel, ces gens-là m’accablèrent
de questions auxquelles je répondis complaisamment
pour ne pas provoquer leur susceptibilité,
ce qui pouvait être dangereux. Les malotrus, ne