
Je restai à Meched jusqu’au 20 décembre; tout étant
prêt alors pour mon départ, je rue disposai à tne
mettre en route dès le lendemain.
Chérif-Abad.— 21 décembrë.— Dlstahce de 6 far-
sangs. Je laissai à droite la route de Dèh-Roud, par
laquelle j’étais ten u à Meched, et suivis celle de
gâüche, en plaine pendant deux heures et quatre
dans les montagnes. La neige tombait en épais
flocons. Plusieurs amis me reconduisirent jusqti’aü
pied des montagnes. Èn les quittant, les cavaliers
de mon escorte nous égarèrent et nous Chevâu-
châmes à travers champs jusqü’à la n u it, pour
arriver à Chérif-Abad, petit village d’une cinquantaine
de feux attenant à un caravansérail-châh, où
nous avait précédés une Caravane de pèlerins, qui
beuglaient comme des sourds : Ya Ali / et nous
empêchèrent de dormir pendant toute* la nuit. Ils
transportaient une vingtaine de cadavres pour les enterrer
dans la sainte terre de Kerbélah. Leurs bières
en sapin étaient doublées de grosse toile enduite de
naphte; mais malgré cette précaution, ces débris h u mains
exhalaient une odeur pestilentielle. Les pèlerins
ne paraissaient pas s’en apercevoir. Ils couchèrent
pêle-mêle avec ces reliques, hommes et bêteS entassés
les uns à côté des autres, se communiquant l’excédant
de leur vermine, dont, malgré Une chasse contintièlle,
ils ne peuvent jamais se débarrasser complètement.
Parmi eux, un vieillard dégoûtant de saleté venait
de se laver les pieds dans un plat, et allait jeter l’eau
qui avait servi â cet üsage, lorsqu’un de ses voisins
l’arrêta avec respect et Se désaltéra avec ce lavage.
Tout le monde, excepté m o i, le regardait faire
sans être étonné de cette action, qui me paraissait
énormément incongruë. Un cavalier m’apprit que ce
vieillard était un Séyid très-vénéré dans la caravane,
et qu’en avalant sa crasse, on se préservait positivement
de tout mal physique ou moral. Un moment
après, le plat aux ablutions recevait dans ses flancs
crasseux un énorme pilau avec lequel vingt affamés
se rassasièrent sans éprouver le moindre dégoût. Voilà
pourtant les gens qui considèrent comme impurs
tous ceux qui ne sont pas Musulmans-Chiàs comme
eux, et fuient leur contact,
Kademguiah.—22 décembre.—7 farsangs dans les
montagnes. Nous étions à cheval deux heures avant
le jour. Un brouillard épais envahissait l’atmosphère.
A peine sortis du gîte, mes guides m ’égarèrentde nouveau;
deux jours de suite, c’était jouer de malheur.
Noüs revînmes au village sans nous en douter et
pûmes alors rentrer dans la bonne route. Le trajet est
assez désagréable : ce ne sont que montées et descentes
continuelles. Le gîte du soir était Kademguiah, petit
bourg situé à mi-côte sur le flanc des montagnes et
dont les habitants sont Séyids (descendants du Prophète).
En raison de la sainteté de leur origine, ils
sont exempts d’impôts, et refusèrent de me donner
le djirèli (vivres), auquel mon taliguèh me donnait
droit. Ils refusèrent même de m’admettre dans leurs
murs, parce que j ’étais un infidèle à leurs yeux. Je
descendis dans la plaine et m’établis dans un caravansérail
châh, où je me procurai tout ce dont j ’avais
besoin. Kademguiah est un des lieux de pèlerinage