
de tamariscs, sur les bords d'une mare puante, où
hommes et bêtes se désaltérèrent. Après deux heures
de repos nous remontâmes à cheval. J'avais une fièvre
brûlante augmentée encore par le vent de simoun, qui
soufflait depuis douze heures. Enfin, après avoir cheminé
toute l'après-midi et toute la nuit dans une vaste
plaine salée, où nous nous égarâmes, et où nous fîmes
plus de dix farsangs au lieu de sept, nous arrivâmes
au point du jour, exténués, à Guiranèh, près d'un poste
occupé par la douane, situé sur les bords d'une rivière
aussi forte que le Herroud-Roud, et portant le nom de
la localité. Ce cours d’eau va aboutir au Ferrah-Roud.
La chaleur de cette journée s’éleva à 46 degrés centigrades
à l’ombre1.
Guiranèh est un village ouvert de quarante maisons
et de deux cents tentes de nomades; on en rencontre
plusieurs autres à une distance assez rapprochée, ainsi
qu'une vieille forteresse en briques cuites, qui tombait
en ruines et me parut fort ancienne. D’un côté ses
remparts plongent à pic dans la rivière, et, sur les trois
autres faces on n'arrive au pied de ses épaisses mu railles
qu’en gravissant la pente très-roide d'un tertre
en terre de dix mètres d'élévation.
Cette position est importante : elle commande
la rivière et les défilés situés dans les montagnes
du sud. Un petit corps d’armée qui y serait placé
pourrait maintenir l'autorité dans les districts de
i C’est-à-dire 135 degrés du thermomètre Fahrenheit. Celui
du major Sanders s’éleva en 1840 sur le Ferrah-Roud à 175
degrés au soleil, et la chaleur y était suffisante pour faire cuire
un oeuf dans le sable brûlant.—Ed.
Sebzavar, Ferrah, Lâch, Bakoua, Gulistan, Gour et *
Sakhar. Guiranèh est en effet le point central autour
duquel convergent toutes ces localités. Avis aux Anglais
etaux Russes.
Dans ce gîte comme dans celui de la veille, mes domestiques
me causèrent de nouvelles tribulations et
je m'estimai heureux de satisfaire avec une dizaine de
francs à leurs exigences. Je résistai tant qu'il-me fut
possible à ces misérables, parce que, d'abord, mes ressources
ne me permettaient pas de leur faire d'autres
largesses que celles stipulées dans nos accords; puis,
ensuite, eussé-je été plus riche que je ne me serais
probablement pas montré plus généreux. Un présent
fait à un Afghan ne constitue point une générosité pour
laqilblle il doive être reconnaissant ; ce qu'il reçoit
aujourd’hui établit à ses yeux un droit acquis pour le
lendemain d’en recevoir autant, et quelque modiques
qu'eussent été mesprésents, ces misérables se seraient
figuré que puisque je me dessaisissais de quelque
chose, c'est que j'étais en état de donner beaucoup.
Or, il ne faut jamais laisser croire aux Orientaux,
et particulièrement aux Afghans, que l'on ait du superflu
; cette pensée excite leur cupidité et les rend
capables de tous les crimes. Avec quelque bienveillance
que l’on traite ces gens-là, on doit bien se
persuader à l'avance qu’ils ne seront pas plus constants
dans leurs affections que dans leurs inimitiés.
Leur conduite se règle toujours sur le gain qu’ils peuvent
réaliser, n’importe par quels moyens; jamais
leurs sentiments ne sont déterminés par un mobile
noble ou généreux. Le principal argument que les