
stitue sa domination à la sienne. Ainsi que je l’ai
déjà dit ailleurs, on ne peut compter sur la durée de
rien dans ces contrées ; pas plus sur celle de la puissance
d’une famille que sur l’existence des villes. Les
plus fortes, les plus redoutées parmi les premières,
les plus populeuses, les plus riches, les mieux fortifiées
parmi les secondes, disparaissent du jour au
lendemain, balayées par les révolutions, sans qu’il
en reste la moindre trace ; et c’est tout au plus si,
après quelques années, la génération existante conserve
le souvenir de ce qui s’est passé. Là tout est
mobile, précaire, et il est impossible à la géographie
d’y préciser quelque chose. On doit se borner à des
données générales et modifier les détails au fur et à
mesure qu’on est renseigné par les rares voyageurs
qui s’exposent dans ces pays barbares. Le Sistan est,
parmi ceux-là, une des contrées sur lesquelles il est le
moins possible de se fixer d’une manière positive.
Ser-Vjaddè. — 3 novembre. — Distance d’environ
douze farsangs. Nous quittâmes Sékoukèh à la pointe
du jour, très-reconnaissants des procédés généreux de
Méhémed-Réza-Khan envers nous. Il s’élait engagé à
faire reconduire les dromadaires que nous avions empruntés
au Ketkhoda de Goultchin, et nous en avait
fourni de nouveaux. L’un d’eux était chargé de farine,
de riz, d’eau, de poissons secs et antres aliments dont
nous avions besoin pour nous substanter jusqu’à Lâch-
Djouï-waine. L’un des parents du chef nous accompagna
jusqu'à mi-chemin, au village de Koundouz, où il
nous fit donner une escorte de quatre hommes. Le
temps que nous perdîmes dans cette locali té fit que nous
n’arrivâmes qu’à la nuit dans le campement de Ser-
Djaddè, situé à la pointe la plus méridionale du lac
Rouslem. Les gens du Khan de Sékoukèh nous y firent
respecter à grand’ peine, et ils durent rester éveillés
et faire vigilante garde toute la nuit afin d’empêcher
que nous fussions volés. Deux de nos dromadaires
étaient déjà entre les mains des pillards, et, s ils fussent
parvenus à couper leurs entraves à temps, nous
ne les eussions jamais revus.
Zerd-Abad. — 4 novembre. —• Nous franchîmes
environ 14 farsangs en neuf heures de marche, en
compagnie de huit Arabes que nous rencontrâmes,
se rendant à Lâcli. Comme ils connaissaient bien la
route, ils nous servirent de guides. Le chemin n’est
pas tracé sur la rive occidentale du lac ; quand ses
eaux sont basses, en été et en automne, on côtoie ses
bords, quoiqu’il y ait une certaine difficulté à les
suivre, en raison des marès et des bois de tamariscs
qui les obstruent en différents endroits; mais on
peut, si l’on veut, éviter cet inconvénient en suivant
le pied d’une chaîne de montagnes, peu distante du
lac, qui le longe du Nord au Sud dans toute sa longueur.
Zerd-Abad, où nous campâmes, consistait en
deux petites tours ruinées, près desquelles s’étaient
établies six tentes de nomades d origine aiabe.
N o o u r o u z - A b a d . S novembre.—Environ 12 farsangs
: huit heures de marche. Nous nous écartâmes
un peu plus du lac, cette journée-là, pour arriver au
gîte. Les sables mouvants avaient fait place à du sable
solide, au milieu duquel poussaient de rares arbustes
de tamariscs et un peu d’herbe depuis longtemps