
Mon départ devait avoir lieu dans la matinée du 26,
mais, sous divers prétextes assez futiles, le Serdar
l’ajourna au lendemain et le 27 s’écoula sans que je
partisse. J’envoyai demander au Serdar le motif de
ce retard, il vint alors me voir lui-même pour m’en-
. gager à patienter, me promettant de me faire partir
dans la nuit suivante : mais le Mounchi étant venu
me visiter après lui me mit au courant de ses intentions.
11 avait su qu’une de mes malles avait échappé
à ses investigations, et il voulait ld visiter. La manière
dont il avait écrit à son père sur mon compte
lui avait fait espérer qu’il recevrait l’ordre de me faire
retourner à Hérat, ou conduire à Chikarpour, par Ké-
lat, et il aurait pu alors me dépouiller totalement
sans craindre que mes plaintes arrivassent à son père;
ma lettre à ce dernier avait dérangé ses plans et
il balançait de|>uis deux jours sur ce qu’il devait faire.
Cependant il finit par se décider, et dans l’après-midi
deux Farraches apportèrent dans ma prison la malle
que j ’avais cachée chez le Mounchi; le Serdar arriva
peu après pour faire l’inventaire de son contenu. Il
m’affirma alors que Kouliendel-Khan lui avait ordonné
d’examiner un à un tous mes papiers et de s’assurer
que je n ’étais pas porteur, pour ses antagonistes, *
de lettres qui pussent lui porter préjudice. 11 commença
aussitôt l’investigation la plus minutieuse de
mon bagage. Après avoir inspecté chaque objet tiré de
la malle, il mit de côté tous ceux qui paraissaient être à
sa convenance, puis il me représenta qu’en raison des
services qu’il m ’avait rendus, en échange de la nourriture
qu’il m ’avait fournie, et de la vie qu’il m’avait
sauvée à diverses reprises, il espérait que je voudrais
bien lui faire cadeau des bagatelles qu’il avait mises
à part. Quelque absolus que fussent alors pour moi
son pouvoir et le danger de lui résister, je m’y décidai
cependant, et je lui reprochai dans les termes
les plus amers sa conduite barbare envers moi : le
coquin ne s’en émut pas du tout. Il me dit qu’il aurait
été content d’obtenir mon assentiment, mais qu’il pouvait
aussi bien s’en passer : puis il se retira emportant
avec lui les deux tiers de mes effets devenus sa propriété,
et la totalité de mon argent, dans la crainte,
dit-il, que je n’en fisse un usage contraire aux intérêts
de son père, me promettant de me le faire restituer à
Kandahar.
Khak-Tchopâne.—28 août.—7 farsangs en plaine à
travers un pays dénudé. Je montai à cheval de très.-
grand matin pour m’éloigner enfin de Girishk escorté
par huit Sipahis, le coeur rempli de haine contre ceux
qui l’habitaient et avec une joie bien vive d’en être
débarrassé. Nous traversâmes l’Hirmend à gué, à un ,
quart d’heure de la forteresse; il n’est possible de le
franchir ainsi que pendant les trois mois d’été , car,
le reste de l’année, il "est tellement gonflé - par les
pluies ou la fonte des neiges des montagnes de la
Paropamisade, qu’il faut le passer dans un bac que le
Serdar donne à ferme au plus offrant. Après sept
heures de marche, nous arrivâmes vers une mare
d’eau bourbeuse et puante à côté de laquelle nous
nous établîmes. Un village se trouvait à une demi-
heure au delà sur la droite, mais les fièvres pernicieuses
y faisant de grands ravages, mon escorte ne