
telligence, auxquels'je m’étais abstenu de répondre
pour ne pas le compromettre ; mais profitant d’un moment
où j’étais à peu près inobservé, il s’approcha vivement
de moi : « Salieb, me dit-il, je vous apporte
« des nouvelles de votre compatriote. Il a été très-
* malade et se porte mieux aujourd’hui. Ayant en-
« tendu parler de votre séjour à Hérat et de votre
« prochaine arrivée à Kandahar, il m’a remis cette
« lettre à votre adresse, sachant que je me trouverais
« à peu près en même temps que vous chez le Serdar
« Méhémed-Sédik-Khan. » En disant cela, il me
remit une grossière feuille de papier gris, pliée en
forme de le ttre , mais sans adresse. Je l’ouvris
avec empressement, pensant apprendre par le récit
des souffrances d’un infortuné à me préparer à
supporter avec patience celles qui m’étaient probablement
réservées; mais quelle fut ma douleur
de ne pouvoir en lire un seul mot ! Elle était
entièrement écrite en langue anglaise que je n?
comprends pas. Pendant que j’étais à faire les plus
grands efforts pour en deviner le sens, survint
un pichkhedmed du Serdar. En voyant le Sipahi
d’Akhter-Khan assis à mes côtés et le papier que je
tenais à la main, il se douta de quelque mystère et fut
aussitôt en avertir son maître. Celui-ci me fit immédiatement
appeler et m’interrogea avec la plus
grande sévérité. Mes dénégations ne servirent à rien,
car la malencontreuse lettre fut trouvée sous mon
tapis de feutre, et le Serdar, sachant lire et comprenant
quelques mots d’anglais, s’appliqua à la déchiffrer.
11 sut bientôt, tant bien que mal, ce qu’elle
n’avait pu me révéler. Il me fit alors une scène des
plus violentes, m’accusa d’être venu dans le Kandahar
pour y faire une révolution, et m’accabla
d’invectives. Je crus ma dernière heure arrivée, mais
cependant il n’en fut rien. On me ramena dans mon
réduit, où je fus plus strictement surveillé qu’auparavant.
Le malheureux Sipahi, porteur de la lettre, fut
saisi et garrotté par l’ordre d’Akhter-Khan, puis impitoyablement
bâtonné ; ses bourreaux ne cessèrent de
frapper que lorsque, complètement évanoui, ses pieds
décharnés n’offrirent plus qu’une masse informe et
sanglante.
Depuis ce moment, je fus en butte aux insultes
incessantes des Sipahis préposés à ma garde, sans
que les plaintes que j’adressai au Serdar pussent
les faire cesser. Le misérable chercha bien, il est vrai,
à me fairé croire à sa bienveillance pour moi en me
faisant quelques politesses à de rares intervalles,
telles que de m’envoyer un plat de son dîner ou
quelque rafraîchissement, mais je ne fus point sa
dupe, car le plus souvent il me laissa mourir de faim,
et mon ordinaire journalier ne se composa jamais
que d’un chétif morceau de pain de trois à quatre
onces.
Le courrier expédié par Méhémed-Sédik-Khan
à son père, pour lui annoncer mon arrivée à
Mahmoud-Abad, fut de retour cinq jours après son
départ. Kouhendel-Khan mandait à son fils que, dans
sa conviction, j’étais un Anglais ; mais néanmoins il
lui prescrivait de me bien traiter, en attendant qu’il
prît une détermination sur mon compte : il lui enjoi