
ques dépouilles. Quant au Mollah, il en fut quitte pour
recopier les deux feuilles souillées, provenant de son
Koran : il courait depuis trois heures à leur recherche,
quand il les trouva si malencontreusement après
l’usage que je venais d’en faire, ignorant tout à fait
qu’elles provinssent du saint livre des musulmans.
9 août. — Des négociants afghans arrivés aujourd’hui
de Meched, où ils m’avaient vu quand j ’y
avais passé deux mois auparavant, visitent le Serdar
et lui jurent, par la barbe de Mahomet, que je suis un
bel et bon Anglais, parfaitement connu d’eux. Cette
déclaration me fait passer aux yeux du Serdar pour
un être dangereux, ne cachant sa nationalité que pour
dissimuler ses mauvais desseins; il croit faux, plus
que jamais, les Fermans que je tiens de Méhémed-
Châh, et, plus que jamais aussi, il est persuadé que
mon voyage n’a été entrepris que dans des vues perturbatrices.
Que Dieu confonde les imposteurs !
Dans l’après-midi, j’entendis un grand bruit à
l’extérieur du kalèh et je vis disparaître en un clin
d’oeil jusqu’au dernier des Sipahis préposés à ma
garde. A la faveur de ce moment de liberté, je montai
sur la terrasse pour voir d’où provenait le tumulte;
il s’élevait du côté de quelques tentes de nomades
groupées au sud et à une portée de fusil du kalèh.
J’aperçus très-distinctement six cadavres autour desquels
s’agitaient, une foule de gens armés. En rentrant
dans ma prison, le Mounchi m’apprit ce qui venait
d’arriver. Deux individus, ayant chacun un fils et une
fille, avaient projeté un double mariage : ils étaient
en train de le célébrer, lorsqu’un des pères se prit
de querelle avec un parent de son gendre pour un peu
d’eau que l’un des deux avait fait couler sur son terrain
au détriment de l’autre, une demi-heure de plus
qu’il n’en avait le droit. Suivant la coutume afghane,
ils n’avaient échangé que peu de paroles; les poignards
avaient été promptement tirés et les gens de
la noce prenant parti pour et contre, les mariages s’étaient
bientôt changés en funérailles.
Peu d’instants après cette catastrophe, je reçus la
visite, autorisée par le Serdar, d’un Khan afghan de la
tribu des Ghaldjéhis. C’était le chef d’une branche de
cette tribu, composée de douze à quinze cents tentes
et établie depuis près d’un siècle dans là province de
Kerman, en Perse. C’était là tout ce qùfc restait d’un
nombre bien plus considérable de ces nomades, qui
avaient pris parti pour Nader-Châh à l’époque où il
devint assez puissant pour détruire la monarchie
afghane dans ses États. Ces Afghans restèrent fidèles
à la fortune du guerrier persan, qui leur fit des concessions
de territoire dans la province de Kerman, sur la
frontière du Sistan. Ils devaient surveiller le pays
afin d’empêcher leurs compatriotes du Kandahar de
pousser leurs excursions jusqu’en Perse. Ces Afghans
n’avaient point modifié leur manière de vivre dans leur
dernière résidence, où ils étaient cités comme les plus
redoutables bandits de la contrée. Les tribus persanes
fuyaient leur voisinage et c’est à grand’peine qu’on
les souffrait dans les environs de Boum et de Bam-
pour. Cette espèce d’exclusion de la société, à laquelle
ils étaient condamnés, les avait dégoûtés du séjour de
la Perse et leur chef se rendait à Kandahar pour obte