
gnait en outre de lui renvoyer immédiatement le
courrier avec des détails sur ma personne. Étais-je un
homme important et d’un certain rang? Pouvais-je
lui servir d’intermédiaire pour s’allier aux Anglais ?
Yoilà ce qu’il lui importait le plus de savoir. En me
communiquant ces questions, le Serdar m’informa
que son père, peu confiant dans l’appui de la Perse
et voulant s’assurer des protecteurs contre ses voisins,
Yar-Méhémed-Khan et Dost-Mohammed, avait le
plus vif désir de se jeter dans les bras des Anglais :
il n’avait jusque-là retardé de leur faire des ouvertures
amicales que parce qu’il redoutait la vengeance
que cette nouvelle alliance lui attirerait de
la part de son neveu Méhémed-Akbar-Khan, Vézii
du Kaboul ; il ajouta que ma présence paraissait le
rassurer et le déterminerait à rompre avec ce dangereux
parent, si je voulais lui garantir l’assistance des
Anglais.
Ce langage était-il de bonne foi ou bien était-ce un
piège pour m’amener à confesser ma nationalité anglaise?
Voilà ce que je ne pus pénétrer; je répondis
qu’étant Français et simple particulier, je n’avais
jamais eu de rapport avec le gouvernement anglais,
mais que, si tel était le désir du Serdar de Kandahar,
rien ne m’empêchait de porter ses propositions d’accommodement
à ses voisins, sans que je répondisse
toutefois du succès de mes démarches. Le courrier
fut réexpédié avec ma réponse, et le Serdar me fit
espérer qu’il me rapporterait l’autorisation de me
rendre à Kandahar.
La conduite que tint à mon égard Méhémed-Sédik-
Khan pendant mon séjour chez lui a toujours été
pour moi un problème. Il espérait se rendre les
Anglais favorables par mon intermédiaire, et pourtant
il ne faisait rien pour me disposer en sa faveur.
Le lieu où il m’avait relégué était inhabitable, même
pour des bestiaux : les chiens de sa meute étaient
mieux nourris que moi, et les Parias subissent dans
l’Inde beaucoup moins d’outrages que ceux dont ses
gens m’accablaient à chaque instant ; en un mot, ses
protestations de dévouement et d’amitié ne furent
jamais suivies d’effet qui pussent me faire croire à son
bon vouloir. C’est qu’il me jugea au point de vue
afghan et se figura toujours avoir affaire à un de ses
compatriotes. On ne peut se faire une idée de la facilité
qu’il y a à tromper un Afghan ; lors même que
des faits évidents sont là pour les démentir, ils se
laissent toujours prendre aux belles paroles.
Plusieurs motifs portèrent le Serdar à me faire maltraiter
par ses gens, mais il faut placer en première
ligne le désir qu’il avait de me faire croire à une
grande animosité de la part des Afghans contre les
Anglais, et ensuite l’espoir de satisfaire son avidité
à mes dépens. Voici comment il s’y prenait : il
poussait ses gens à m’attaquer, et lorsque le danger
apparent était arrivé pour moi à sa dernière
période, il survenait tout à coup pour me délivrer et
se préparait ainsi de prétendus droits à ma reconnaissance
: il s’en autorisait pour me dépouiller peu à
peu de ce que je possédais. Quinze jours ne s’étaient
pas écoulés depuis mon arrivée à Mahmoud-Abad
qu’il s’était déjà emparé 4e toutes mes armes et d’une