mariscs, près d’un ruisseau, assez loin des tentes d’un
campement considérable de nomades, nommé Noou-
Abad, situé près de Kouh-Nichine, et attendîmes
la nuit avant de nous y présenter; c’était plus .prudent
de toutes les manières. Après avoir fait un
modeste repas, nous remontâmes à cheval et allâmes
attendre Assad-Khan à une portée de fusil de ce campement,
pendant qu’il s’y rendait lui-même, en compagnie
d’un de ses hommes, pour louer les chameaux
sans lesquels nous ne pouvions faire un pas de plus.
Il revint une demi-heure après nous annoncer qu’il
avait échoué dans sa négociation, par suite du prix
exorbitant que l’on exigeait de lui pour la location
de ces montures. Il nous engagea à le suivre à Kouh-
Nichine, dont nous étions à peine éloignés d’une demi-
farsang, pour nous en procurer à meilleur marché.
Ses gens lui représentèrent alors le danger qu’il courait
en allant dans cette localité, dépendante du Kan-
dahar, dont il était banni , et alors habitée par des
Béloutches-Maméssani, l’une des plus petites, mais
des plus courageuses tribus du Sistan. Elle est aussi
la plus farouche, mène une vie très-agitée, et a souvent
maille à partir avec ses voisins.
Lorsque Assad-Khan "possédait le kalèh de Mala-
Khan *, situé à 10 farsangs S.-O. de Kouh-Nichine, il
» Ce fut là l’endroit le plus éloigné dans le Sud du pays
que les Anglais aient occupé pendant leur guerre contre les
Afghans. On y avait placé sous le commandement d’un officier
européen un détachement de soldats irréguliers qui resta
longtemps à cette station. Ce fut grâce à eux que l’on conserva
des relations avec les Béloutches et les chefs du Sistan.—Ed.
avait vécu pendant longtemps en bonne intelligence
avec ces Béloutches; mais, dans le courant de 1840,
s’étant un jour, dans une réunion amicale, pris de
dispute avec un de leurs chefs, il s’en était suivi une
rixe entre Afghans et Béloutches, où deux de ces derniers
avaient perdu la vie. Depuis ce moment les
habitants de Kouh-Nichine et de Mala-Khan étaient
devenus des ennemis irréconciliables, et il se passait
rarement plus d’un mois sans qu’on entendît parler
de nouvelles victimes de ce dissentiment: car, dans
ces contrées, où la peine du talion est-en vigueur,
celui qui n’obéit pas à cette loi est déshonoré : le sang
veut du sang. Assad-Khan le savait mieux qu un
autre, sa vie ayant été vingt fois compromise dans
des guet-apens préparés par les Maméssani. Cependant,
malgré les pressantes représentations de ses
gens et les miennes, il persista à aller leur louer des
chameaux. En présence de son obstination, je le
suivis, quoiqu’à regret, et tous en firent autant,
Quand nous arrivâmes à Kouh-Nichine, la plus
grande partie de la population était couchée à terre,
en dehors des tentes, et se préparait au sommeil par
des conversations particulières. Il-v avait pourtant çà
et là quelques groupes d’hommes autour de plusieurs
cholériques prêts à rendre l’âme. Le fléau sévissait
très-fortement en ce moment sur les bords de l ’Hir-
mend. Nous nous approchâmes, et le cousin d’Assad
Khan s’adressa à l’une des personnes du premier
groupe pour avoir des chameaux. Une pareille demande,
si rare dans ces contrées, surtout à cette
heure, devait naturellement éveiller les soupçons et