
La première division marcherait droit jusqu'à Heï-
bak pour disputer le passage de l'Hindou-Kouch ;
la deuxième se dirigerait de Bamian sur Yekeuho-
ling, et de là descendrait les rives fertiles et peuplées
du Dehas jusqu'à Ralkh, où elle tournerait à droite
vers Khoulm pour prendre l’ennemi en queue quand
il serait engagé dans les défilés.
Il serait difficile aux Russes de résister à deux
attaques ainsi combinées, surtout si leurs adversaires
parvenaient à intéresser à leur cause les populations
guerrières de la contrée, ou seulement à leur imposer
assez pour les forcer à garder la neutralité. II resterait
aux Russes, il est vrai, la ressource de faire surveiller
la vallée du Dehas par un corps d’armée,
mais cela les affaiblirait trop. Ce motif, joint à plusieurs
autres, rend une agression des Russes moins
dangereuse de ce côté que par le Sud.
Examinons donc quelle conduite auraient à tenir
les Anglais dans le cas où ils seraient menacés par
là. Us devraient d'abord se porter sans hésiter sur
Kandahar et en défendre les approches, ce qui est
assez facile sur la route de Hé rat, eu égard aux montagnes
et aux accidents de terrain à travers lesquels
cette route circule. En cas d'échec, ils se rabattraient
sur les passes de Bolâne, en ruinant sur la route
toutes les ressources que l’ennemi pourrait utiliser
après eux; enfin, si la fortune continuait à leur être
contraire, l'Indus se trouverait là en dernier ressort
pour les couvrir de nouveau. Mais qu'ils ne se fient
point trop à cette barrière, et qu'ils se souviennent
toujours de l’opinion des Lacédémoniens, qui ne voulaient
pas enfermer leur ville dans des murailles>
parce qu’à leur avis le meilleur rempart était une
belle et bonne armée. Que les Anglais préparent donc
la leur. De toute manière, nous pensons que, suivant
la direction de l’attaque, Kaboul ou Kandahar devraient
être occupés et défendus par eux ; ils auraient
peut-être d’autant plus à se repentir d’avoir négligé ce
moyen de salut, que les Russes, après s’être emparés
de l’une ou de l’autre de ces tilles, pourraient arriver
sur les bords du fleuve à un autre point que ceux
auxquels ils seraient attendus, et le traverser sans
même tirer un coup de fusil.
Un autre avantage faciliterait encore la résistance
des Anglais. C’est le puissant moyen de diversion que
leur habile diplomatie s’est ménagé en Perse, en
s’attachant les populations nomades du Sud de l’Empire.
Ces peuples se soulèveraient en leur faveur au
premier signal et exciteraient une commotion qui
mettrait en danger le pouvoir de la dynastie régnante,
que tant de princes, pensionnés par le gouvernement
britannique, aspirent à renverser. Le moins qui
menaçât cette dynastie, ce serait de se voir enlever
une partie dè ses États. Le Châh y regarderait donc
probablement à deux fois avant de s’engager, sans des
garanties suffisantes de la part des Russes, dans une
entreprise qui pourrait avoir pour lui de si funestes
conséquences. Une invasion de l’Inde, avec son concours,
serait seulement profitable à la Russie, qui se
ferait la part du lion, et la Perse s’aliénerait sans
profit une puissance qui a déjà tant fait pour empêcher
le démembrement de ses plus belles provinces