déprédateur et inique. Le peuple, irrité d’avoir été
froissé par eux dans quelques-uns de ses préjugés,
s’est soulevé, il est vrai, pour se soustraire à leur domination
; mais aujourd’hui il les regrette, et j ’ai
entendu vingt fois les Afghans parler en termes qui
indiquaient de justes appréciateurs de tout ce que
les Anglais avaient fait pour leur bien-être '.
Les gens du pays se souviennent aussi avec reconnaissance
de leur justice, du traitement gratuit que
les malades recevaient dans leurs hôpitaux, des gratifications
pécuniaires et des habits qui leur étaient distribués
quand ils en sortaient guéris, des réparations
aux monuments publics, de l’extension et des encouragements
donnés par eux au commerce et à l’agriculture,
etc., etc5. Puis après avoir épuisé toutes Sortes
d’éloges ils s’écriaient : « Pourquoi n’étaient-ils pas
musulmans comme nous, nous n’aurions jamais eu
d’autres maîtres !» N’est-il donc pas permis, après avoir
1 Lés Anglais ont lu avec plaisir l ’appréciation d’un voyageur
français intelligent sur leur gouvernement dans l’Afghanistan,
Ceux à qui ce travail fera le .plus de plaisir seront incontestablement
les officiers de la Mission de Hérat qui vivent encore,
câr les impressions de M. Ferrier sont nées de ce qu’il a vu et
entendu dans ce pays. Quoique la Mission de Hérat n’ait pas eu
le résultat que l'on s’éiait proposé et cela par des causes dont
on ne peut rendre responsables les ofticiers qui en faisaient
partie; malgré la censure que l’on a faite des actes du major
Todd, personne ne petit dire que, de toules nos opérations dans
l’Afghanistan, il y en ait une sur laquelle les yeux se reportent
avec plus de plaisir et qui soit plus honorable pour notre mère
patrie que notre séjour à H é ra t.—L.
2 Quelques renseignements pris après que ces lignes ont été
écrites me portent à penser que l'administration anglaise fut
entendu de pareilles déclarations, de regretter, au
point de vue de l’humanité et de la civilisation, que la
domination anglaise ne se soit pas établie en Afghanistan,
quels qu’aient été les moyens employés pour
arriver à ce but? Pour mon compte, j ’aurais préféré
cela à la fâcheuse perspective d’y voir éterniser la
barbarie, soit en laissant ce pays se gouverner par ses
chefs d’après ses anciens errements, soit en y voyant
dominer l’influence russe, qui est fort peu civilisatrice.
Les Czars n’ont jamais eu le moindre désir d’éclairer
les mâsses.La barbarie séculaire de l’Empire moscovite
ne s’est modifiée que pour les classes supérieures;
la classe moyenne et les moujiks sont restés ce qu’ils
étaient avant l’invasion des Talars de Djenghiz-Khan
parmi eux. Comment se fait-il donc qu’ayant encore
tant à faire chez lui, l’Empereur de Russie ait la prétention
d’être aujourd’hui l’arbitre des destinées de
l’ancien monde? Constantinople, vers laquelle il étend
Sa main droite, paraît ne pas suffire à son ambition,
car sa main gauche cherche aussi à se saisir de l’Inde.
On se demande comment cet Empire qui vivait, il y a
deux siècles à peine, presque ignoré sous les glaces
du pôle est devenu si prépondérant en Europe. La
Russie a étendu le rayonnement de sa puissance depuis
le jour oii les peuples occidentaux lui ont permis
de s’emparer de la Pologne. Les guerres du commenmoins
exigeante dans l’Afghanistan que dans le reste de l’Inde.
C’était un peuple nouvellement conquis, brave .et indiscipliné :
il fallait l’apprivoiser par un bon traitement, e t'c ’esl ce que l’on
fit. Cependant, une partie de ce que j ’ai dit ci-contre n’en reste
pas moins très-vrai.—[Noie de M. Ferrier.)