
« de nouveau et que je satisfasse le besoin de mon
« coeur en vous offrant de nouveaux présents qui égaie
leront vos mérites.» Ce maître couard accompagna
le compliment de force courbettes, et ne parut pas
s’offenser le moins du monde des éclats de rire des
cavaliers, qui ne pouvaient voir sans s’égayer la
frayeur de ce pauvre diable et son chef nu et rasé reluisant
aux reflets du soleil. Il se ravisa cependant
quand il vit que son présent n’était pas accepté, et il
s’efforça de trouver un nouveau conte pour sauver
son amour-propre de notre persiflage; mais quelle
que fût son habileté, il s’embarrassa dans un dédale de
paroles confuses et sans suite qui nous mirent du côté
des rieurs. Mirza-Zéïn-Allah-Bédin, furieux, nous déclara
que nous étions des djinguélis (habitants des forêts),
incapables d’apprécier les ressources de son
esprit, et nous bouda jusqu’à Wachir. Les cavaliers
qui nous avaient effrayés un moment appartenaient
au Khan de cette dernière localité. Ayant été informé
que des Béloutches rôdaient dans les environs pour
piller les voyageurs, ce chef les avait envoyés en reconnaissance
au delà du Khachek-Roud, pour prêter
assistance à ceux qui pouvaient en avoir besoin.
Comme ils n’avaient rien vu qui pût les a la rm e r,
ils revenaient chez eux et nous profitâmes de cette
escorte pour entrer dans le Kandahar.
Après neuf heures de marche, depuis Hadji Hibra-
himi, nous arrivâmes à la rivière de Khachek-Roud,
qui sert de limite entre le Hérat et le Kandahar. Elle est
encaissée dans l’endroit où nous la passâmes, et ses
rives couvertes de taillis de tamariscs, sont tout à fait
désertes. Après avoir traversé ce ruisseau, nous cheminâmes
dans un défilé où se trouvaient deux campements
de nomades, puis nous arrivâmes à Wachir,
district se composant de quatre villages presque attenant
les uns aux autres et enfermés séparément dans
des murailles en terre. Ces villages sont situés sur un
plateau relié, vers la gauche, à une chaîne de montagnes
d’où descendent plusieurs cours d ’eau utilisés
pour les cultures de ces localités, lesquelles appartiennent
au souverain de Kandahar.
Après avoir fait placer le camp à l’ombre de quelques
arbres enclos de murs à hauteur d’appui, j ’envoyai
Djabbar-Khan porter à Sultan-Khan, Wali de ce
district, une lettre de recommandation qui m’avait été
remise pour lui par le Sertip La’l-Méhémed-Khan. Le
Wali vint me voir un moment après ; il apportait
quelques galettes de pain noir et une jatte de lait qu’il
m’offrit au nom de l’hospitalité. Cette offrande était
certainement peu de chose, mais elle témoignait des
sentiments de ce chef à mon égard et, à ce titre, elle
m’était précieuse. Il est difficile, en vérité, de se rendre
compte des raisons qui font que ces nomades, si
hospitaliers quand on repose sous leur tente, vous dépouilleront
impitoyablement s’ils vous rencontrent
cent pas avant d’y arriver. Sultan-Khan me disait
en riant : « Vous êtes mon hôte, que Dieu répande
« ses bénédictions sur vous et ne diminue pas votre
« ombre ! mais convenez que c’eût été une bien bonne
« fortune pour moi de vous rencontrer à une demi-
« farsang d’ici : ces pistolets, ce fusil et ce sabre que
« vous avez sans cesse sous la main, seraient en ce