
nir l’autorisation de Kouhendel-Khan de vénir se fixer
sur son territoire. Mais il lui avait été impossible
de pénétrer jusqu’au Serdar, car il avait été arrêté
à Mahmoud-Abad par son fils, lequel avait transmis
sa demande à Kandahar. Quelques jours après,
la réponse de Kouhendel-Khan lui fit savoir que
sa demande était rejetée. Ce prince, Connaissant
l’intrépidité de cette colonie de transfuges, se souciait
fort peu de les compter au nombre de ses
sujets, dans la crainte de les voir se ranger du
côté de ses opposants, qui sont nombreux dans la principauté.
Le langage que me tint le chef ghaldjéhi me
convainquit que Kouhendel-Khan agissait prudemment
en rejetant son offre, car, avant de savoir si elle
serait ou non acceptée, il ne me dissimula point sa
sourde hostilité contre celui dont il sollicitait la générosité,
et son intention de lui nuire anssitôt qu’il serait
en position de le faire. Quand il sut, quelques jours
après, qu’il avait perdu tout espoir de se rapatrier lui
et les siens, il vint me proposer de fuir avec lui, me
promettant de me faire arriver sain et sauf à Chikar-
pour par le Béloutchistan, où il était connu de tous les
chefs de tribus; mais je ne crus pas devoir me fier
à un homme qui s’était montré à moi sous un jour si
défavorable, et l’affaire en resta là.
10 et 11 août. — Ces deux journées se passèrent
tristement en proie aux plus noires réflexions et à une
faim dévorante, car c’est à peine si j ’avais mangé huit
onces de pain depuis trente-six heures. J’avais jusque-
là renoncé à acheter des provisions, afin d’éviter les
tentatives de vol que les Sipahis n’auraient pas manqué
de faire à mon préjudice, s’ils avaient pu penser que
je possédasse de l’argent; mais ma prudence ne put
tenir plus longtemps devant le cri de mon estomac,
et je remis une roupie (2 fr. 50) à l’un d’eux, qui m’avait
jusque-là paru un peu meilleur que les autres,
pour aller m’acheter quelques vivres chez les nomades.
Il revint bientôt après avec un âne chargé de
cent vingt-cinq kilog. de melons. Je dus me contenter
(l’admirer leur belle apparence, car ces melons furent
mangés à ma barbe par mes coquins de gardiens, lesquels
m’en apportèrent ensuite très-poli ment des
écorces sur un plateau, en me priant de racheter
la peine que je leur donnais souvent par une offrande
semblable. Toutes ces infamies me désespèrent. Le
Mouhchi me dit alors clairement qu’ils n’oseraient
point agir ainsi s’ils n’y étaient autorisés par le Serdar,
et il me prévint en outre que c’était la faute de ce
dernier si je n’étais pas encore à Kandahar, parce
qu’il avait prié son père dé me laisser près de
lui jusqu’à ce qu’il eût pris une détermination à
mon égard. En agissant ainsi, il se donnait la latitude
de me spolier tout à son aise, pensant conserver
ce qu’il m’arrachait à titre de cadeau, dans le cas où
on me laisserait continuer ma route, et comme dépouilles
opimes dans le cas contraire. Cette confidence
me détermina à m’expliquer catégoriquement avec le
Serdar, quoi qu’il dût en résulter de fâcheux pour moi.
Je profitai donc du moment où il passait devant mon
réduit, allant faire sa promenade habituelle dans
la campagne, pour lui demander où il en voulait venir
à mon égard, et quelle raison il avait de ne pas m’en