
projets ultérieurs conformes à l’idée que nous venons
d’émettre. L’avenir prouvera si nous nous sommes
trompé.
Depuis l’occupation de l’Afghanistan par les Anglais,
la controverse provoquée dans la presse à ce
sujet a prouvé que l’infortuné Burnes avait parfaitement
compris les véritables intérêts de l’Angleterre
dans cette contrée. L’affermissefnent au pouvoir de
la famille desMéhémfcdzéhis, conseillé par lui, était
une mesure de saine politique; elle assurait à jamais
la prépondérance du gouvernement de Calcutta sur
l’Afghanistan. Et il n ’y a qu’à se reporter aux événements
dont ce pays fut le théâtre en 1838, pour se
convaincre de la justesse de son opinion. Les armées
réunies du Kandahar et du Kaboul pouvaient aisément
s’emparer de Hérat, qui était dénué de tout après la
retraite des Persans, et il était facile de remplacer
l’imbécile Châh-Kamràne par un frère de l’Émir Dost-
Mohammed. De cette manière, les Anglais avaient une
action immédiate sur la Perse, par l’intermédiaire
de leurs alliés. Malheureusement, l’avidité de la cour
des Directeurs ne put se contenter de cette extension
d’influence qui eût dissipé leurs craintes de ce côté :
le désir de disposer des finances de l’Afghanistan les
porta à l’injuste envahissement de cette contrée ;
mais au lieu de servir de rempart à leurs possessions,
comme ils l’avaient espéré, elle devint le gouffre où
allèrent s’engloutir leurs soldats et leurs trésors. Cette
dure leçon ne les a pas fait renoncer à leur système
d’envahissement; ils protestent, il est vrai, de leur
intention de rester sur la ligne de l’Indus ; mais pourront
ils s’arrêter en si beau chemin? La presse des
Indes leur attribue toutefois le projet de reprendre la
question afghane telle que l’avait conçue Alexandre
Burnes,et de profiter des bonnes dispositions de l’Émir
Dost-Mohammed pour rentrer en relation avec lui1. La
chose est possible, mais l’Émir n’aurait pas l’assentiment
des masses s’il se rapprochait d’eux; sa sympathie
pour les Anglais lui a déjà fait perdre sa popularité ;
elle contribuerait à le précipiter de nouveau du pouvoir,
si elle se manifestait d’une façon trop explicite.
Quoi qu’il en soit, la Russie ne peut moins faire que
de se préoccuper de la situation, et bien des personnes
se demandent quelle barrière elle opposerait à ce besoin
d’influence et d’agrandissement territorial de ses
voisins en Asie? On pourrait répondre à ces personnes
que le Czar n’est point en arrière avec eux ; sa devise,
comme celle des Romains, est de conquérir pour
ne pas rendre. Que les Anglais lui en laissent le temps,
et l’on jugera si ses mesures étaient bien prises. Il
n’attend, pour plan 1er ses jalons en Afghanistan, que
la chute du Caucase. Les coups redoublés qu’il frappe
dans cette contrée depuis quelques années prouvent
suffisamment qu’il a envie d’en finir là une bonne
fois, afin de diriger ses efforts sur le Turkestan qu’il a
déjà enceint d’une ligne de forteresses. De là à Hérat,
il n’y a pas loin, et la route est facile. Si les Persans
n’en sont déjà maîtres et ne lui en ouvrent les portes,
son armée l’enlèvera aux Afghans en moins de dix
* Depuis que ceci a été écrit, un traité d’alliance a été formé
avec Dost-Mohammed en 1855, mais on n’a envoyé à Kaboul ni
ministre, ni agent pour y résider. — Ed.