
n’est qu’une suite de fictions, la création de tous
les travaux dont ils ignorent l’origine.
Arrivés là, nos chevaux écloppés, harassés, refusaient
d’avancer; nous nous arrêtâmes pour leur laisser
le temps de brouter des roseaux et des feuilles de ta-
marisc, dont ils s’accommodent parfaitement à défaut
d’autre aliment, et vers le soir ils purent nous porter
à Goultchin, village également construit au milieu
de vastes ruines, auxquelles viennent aboutir une
très-grande quantité de kariz (cours d’eau souterrains
percés de puits) desséchés, de réservoirs en ruines,
d’aqueducs, de tours écroulées, etc. Ce village est
habité en parties égales par des Béloutches Norvuis et
des Afghans Nourzéhis; le Ketkhoda (maire), dont j ’ai
oublié le nom, était ami d’Assad-Khan et Afghan
d’origine ; il nous reçut très-bien et nous donna la
plus généreuse hospitalité. Tout ce qu’il put nous
dire sur les ruines de son village, c’est qu’elles provenaient
de l’ancienne capitale du pays, détruite par
Djenghiz-Khan, mais il ignorait le nom de cette ville.
C’est sans doute à cette cité, anéantie par le héros tar-
tare, qu’avait, succédé, à trois heures de distance,
celle où est aujourd’hui Poulkèh, qui fut détruite par
Timour.
Nous avions espéré pouvoir couper en ligne droite
de Goultchin pour retourner à Ferrah, mars le Ketkhoda
nous informa, à mon grand regret, de l’impossibilité
complète de suivre cette route en ce moment.
Elle était infestée par les Béloutches Ser-Bendis
de Cheïkh-Nassour , alors en guerre avec Châh-
Peçend-Khan, chef indépendant du district de Lâch-
Djouï-waine, situé au Nord du lac. Avec son humeur
belliqueuse habituelle, Assad-Khan voulait encore tenter
cette aventure, mais je lui refusai net mon assentiment,
et le Ketkhoda le dissuada complètement eh
lui promettant de lui prêter des chameaux pour faire
le tour du lac, afin de gagner en sécurité notre destination.
Nos chevaux ne pouvaient faire un pas de plus;
il fut convenu qu’ils resteraient une quinzaine de
jours à Goultchin, après lesquels, sitôt la guerre
terminée, le Ketkhoda les enverrait à Ferrah, où nous
devions laisser ses chameaux. Assad accéda à cet
arrangement, mais il y mit pour condition que nous
pousserions jusqu’à Djiàne-Abad, pour nous informer
si nous ne pourrions pas éviter les combattants en
traversant le détroit que forme, au Nord, le lac du
Sistan, et qui se dessèche en été. Ceci nous eût évité
une longue marche autour du lac, et j ’y consentis
volontiers; pourtant nous n’aboutîmes qu’à allonger
notre voyage dè deux jours de plus qu’il n’eût duré
si nous eussions gagné directement la . pointe méridionale
du lac.
Il est bon de noter que depuis Kouh-Nichine il
m’a été impossible d’indiquer les distances avec
quelque précision, parce que nos chevaux harassés,
ne marchant jamais d’une allure égale, et nous
obligeant à de fréquents repos, ne nous permettaient
pas d’établir un calcul, même approximatif. Les
Béloutches, en effet, ignorent complètement ce que
c’est qu’une farsang, et ne connaissent que la journée
de marche; elle est plus ou moins longue pour eux