
iion. A force de supplier Lul-Klian de demander une
audience pour moi à Kouhendel, il finit par se rendre
à mon désir et sa démarche fut couronnée de succès.
Le 3 au soir, deux heures après le coucher du soleil,
on me conduisit en présence de ce prince. Je m’y rendis
à cheval et sous bonne escorte, revêtu d’un costume
afghan, La citadelle où il habitait n’était pas à
plus'de dix minutes de distance de ma prison, Une
assez vaste place, qui s’étend devant cette forteresse,
était obstruée par des boutiques ambulantes, par du
bois, des briques et des chameaux.
Kouhendel-Khan m’attendait dans un jardin, assis
sur un tapis, près d’un bassin d’eau vive, en compagnie
de quelques Mollahs qui se retirèrent à mon
approche et nous laissèrent seuls. Kouhendel-Khan
était alors un hbmme de cinquante-huit à soixante ans
environ, de courte taille avec assez d’embonpoint ; sa
physionomie éclairée par la lune me parut sérieuse,
douce, bienveillante; elle ressortait pâle et maladive
encadrée par sa barbe teinte en noir : elle m’aurait
laissé une impression assez favorable, si ses yeux,
comme ceux de son fils aîné, Méhémed-Sédik-Khan,
n’eussent indiqué la fausseté et la perfidie, Ce prince
a la réputation d'être un des plus vaillants fils de
Payendèh-Khan. Ses vêtements étaient d’une grande
simplicité et se composaient d’une robe en cotonnade
blanche et d’un turban en mousseline de même couleu
r, son seul luxe consistait en un châle de Kach-
mir qui lui ceignait la taille et supportait un couteau
persan dont le manche était orné de pierreries.
11 m’invita à m’asseoir près de lui et, pendant que je
lui obéissais, il se souleva sur ses genoux [*r politesse
pour me faire honneur; puis nous échangeâmes les ,
compliments d’usage. Après le préambule, toujours
très-long chez les Afghans, il me demanda quelle,
affaire m’avait amené en Afghanistan ; selon mon habitude
et conformément à la vérité, je lui dis que mon
but était d’aller prendre du service à Lahor : il insista
alors pour savoir si ce motif était bien le seul qui
m’eût poussé à traverser l’Afghanistan et il parut
en douter, donnant pour raison que les Siks avaient
vu partir, sans les regretter, des Européens qui étaient
depuis plus de vingt ans à leur service, et il en concluait
que j’avais peu de chances d’être accepté par
eux.
« Les Siks sont devenus nos alliés d’ennemis qu’ils
« étaient, ajouta-t-il, j ’ai reçu aujourd’hui la nou-
« velle de la cession de Pechaver et d’Attock, faite par
« eux à mon frère Dost-Mohammed. Son fils, Méhé-
« med-Akbar-Klian doit bientôt prendre possession de
« ce pays à la tête d ’un corps de troupes qui se ras-
« semble en ce moment, etinchallah (s’il plaît à Dieu)!
« nous joindrons bientôt le Kachmir à ces deux place
ces. Ces concessions que nous font les Siks doivent
« te prouver combien ils tiennent à notre alliance, ils
« n’ont donc que faire des Européens, leurs ennemis
« et les nôtres : tu devais le savoir et tu espères vaine-
« ment me tromper ; tu ne peux être venu dans notre
« pays que pour voir l’esprit dont la population est
« animée et ton but est de l’insurger unedeuxième fois
« contre nous ; les Fermans du Sultan d’Islamboul et
« du Châh de Perse, que tu as montrés à mon fils, ne