cents cavaliers envoyés par TÉmir Dost-Mohammcd
au secours des Siks, n’étaient pas encore arrivés à
Pechaver que les Anglais avaient déjà battu ces derniers
à Sobraon et traversé le Sutlège. Mille autres
cavaliers sortis de Kandaliar, sous les ordres de Mé-
hémed-Omar-Khan, second fds de Kouhendel-Klian,
apprirent la déroute des Siks le deuxième jour de
leur marche ; ce dernier en fut tellement effrayé qu’il
défendit à ses sujets, sous peine de mort, de dire que
cette troupe était dirigée contre les Anglais, et qu’il
fît répandre le bruit qu’elle était en campagne pour
réprimer les pillages de quelques Béloutches dépendants
du Kandahar.
Eh bien ! chaque pas fait en avant par les Anglais,
dans l’Inde, a été marqué par des incidents semblables,
les ligues contre eux ont été incessantes, mais
elles se composaient d’éléments trop hétérogènes
pour leur opposer de sérieux obstacles. L’habileté de
leur politique d’une pa rt, et la supériorité'de leurs
armes, de l’autre, leur ont assuré une domination colossale
e t, quoi qu’on en dise en Europe, cette domination
est bien assise. Elle est même moins odieuse
que celle des tyranneaux qu’ils ont dépossédés, et elle
durera encore des siècles s’ils ne sont pas attaqués par
une puissance européenne.
La presse proteste journellement contre les envahissements
de la Russie et de l’Angleterre, et j ’avoue
qu’il est tout naturel que les nations moins favorisées
que celles-ci s’effrayent de ces envahissements; mais
la faute n’en est-elle donc pas à ces nations qui les
laissent faire? Qu’espèrent donc les journaux en répétant
de vaines et stériles paroles ? Quand une
inondation n’est pas contenue par des digues, elle
envahit tout devant elle : il en est de même des
politiques russe et anglaise qui ont depuis longtemps
détruit cet équilibre que les traités de 1815
avaient eu pour but d’établir en Europe. Le profit
en est resté aux mains des heureux possesseurs
de l’Inde et du Caucase, qui donnent aujourd’hui des
lois à des Empires plus vastes que ne le furent jamais
ceux des Macédoniens et des Romains, et dont les destinées
reposent, d’une part, entre les mains du plus
absolu, du plus sévère et du plus ambitieux des souverains,
et, de l’autre, sur les calculs beaucoup trop
égoïstes des négociants de la Cité de Londres, qui,
tranquillement assis dans leurs comptoirs, jouissent
sans aucune peine des revenus de l’opulente Asie.
Ces Empires immenses ont aujourd’hui atteint des
limites suffisantes pour contenter l’ambition la plus
effrénée ; mais il y a une puissance occulte, plus forte
que leur volonté, qui pousse les Russes et les Anglais
à envahir les pays qui les séparent et à se rapprocher
les uns des autres. Us obéissent à cette attraction
malgré eux, malgré la raison, malgré la conviction
du danger qu’il y a pour eux à augmenter leurs envahissements.
Ils n’ont pu lui résister, quelques efforts
qu’ils aient fait pour cela ; les événements les ont débordés,
et, une fois lancés dans la voie des conquêtes,
il leur a été impossible de se maintenir dans les limites
qu’ils s’étaieht primitivement tracées et dans
lesquelles il eût été sage de se renfermer. Jetons un
coup d’oeil sur la nécessité de ces envahissements et