
mains et bienveillants, lorsqu’après avoir absorbé leur
dîner ils me lancèrent un melon en me disant : Bi-
guir (attrape)! Je le saisis au passage avec la dextérité
du singe le mieux exercé, et en un instant je fis
disparaître le bienheureux fruit., car j’éprouvais une
faim dévorante, et il y avait longtemps que je n’avais
fait un repas aussi somptueux.
Nous entrâmes dans la ville à la suite de ce temps
d’arrêt, mais le chef des Sipahis n’ayant pas trouvé à
la porte celui qui devait nous conduire au logis se mit
à le chercher dans une foule de rues tortueuses que
nous traversâmes successivement, ainsi que le Khia-
bâné (avenue servant de promenade), et les bazars, où
je fus curieusement examiné par ceux qui s’y trouvaient.
Nous courûmes ainsi une heure sans trouver
celui qui devait m’indiquer nia demeure, et, noüs
étant arrêtés pour attendre le retour d’un homme envoyé
à sa recherche, je fus bientôt étouffé par la foule
des curieux, dont les quolibets n’avaient rien de flatteur
pour mon amour-propre. Mon escorte était dans
un grand embarras pour me préserver des badauds,
et, afin d’en finir avec eux, elle ne trouva rien de
mieux que de me conduire au Tchar-Souk, où je fus
provisoirement installé dans la prison publique, dont
on fil sortir les malfaiteurs pour me recevoir, Heureusement
Lal-Khan, Afghan Barukzélii, vint une
demi-heure après me tirer de là et me conduire dans
la maison préparée pour me recevoir.
L’obscurité ne me permit pas d’examiner ma demeure
en détail; cependant elle me parut assez confortable.
Ce que j ’y trouvai de mieux, ce fut un succulent
pilau que Kouhendel-Khan m’avait envoyé de ses cuisU
nés ; j ’en mangeai avec avidité et me dédommageai de
mes privations passées : puis je m’endormis profondément,
augurant de ma réception à Kandahar un meilleur
traitement que celui qu’on m’avait fait à Girishk.
31 août.—En me réveillant le lendemain matin, je
fus frappé de la beauté de ma demeure ; elle était
digne d’un prince. La maison formait plusieurs corps
de bâtiments et j’occupais celui destiné au liarem.
Défense était faite aux Sipahis mes gardiens, dont le
nombre s’élevait à Cinquante, de me laisser sortir
sous quelque prétexte que ce fût, ni de laisser pénétrer
personne jusqu’à moi sans autorisation. Lal-
Khan, leur chef, devait ne pas me perdre un seul
instant' de vue, et pousser la précaution jusqu’à coucher
la nuit en travers de la porte de ma chambre;
cependant, comme les issues du harem étaient toutes
parfaitement condamnées ou gardées, il me fut permis
de circuler librement dans le corps de bâtiment qui me
servait de prison. Celui qui était contigu renfermait
un autre prisonnier qui, comme moi, était vettü
se fourvoyer dans ce dangereux pays, c’était Saadek-
Mulouk, un des fils de Cbâh-Kamràne, l’ennemi de
caste des Méhémedzéhis, alors régnants.
La chambre que j ’occupais était spacieuse et sés
inurs recouverts d’une foule d’ornements parfaitement
exécutés, façonnés en relief avec Une espèce de plâtre
dur comme du stuc et reluisant comme du quartz ; on
l’aurait dit mêlé de paillettes d’argent. Ce plâtre se
trouvé en abondance dans leà plaines du Kandahar, à
la surface même du sol, mais au lieu d’être compacte