
qui prouvaient la perfidie et la cruauté de son caractère,
il nous raconta un lâche assassinat qu’il avait
commis et dont voici les détails :
Les Béloutches ont sur les Europééns les idées lés
plus bizarres. Frappés de ce qu'ils ont entendu dire et
vu de leur puissance, de leur richesse et de leur intelligence,
ils se figurent qu’ils connaissent le moyen
de faire de l’or, et pensent aussi que, non-seulement
leur corps, mais tout ce qui est à leur usage OU ën
contact avec eux recèle le précieux métal. Il y a quelques
années (huit ou dix ans, je crois), AlLKhan, Ser-
Bendi, reçut la visite à Cheïkh-Nassour d’un médecin
anglais, le docteur Forbes. Bien des personnes
avaient essayé de dissuader cet infortuné de faire ce
voyage, mais il n’avait rien voulu écouter5; aussi paya^
t-il sa curiosité de sa vie. Ali-Khan l’égorgeà pendant
son sommeil, et exposa son cadavre devant sa tente, où
il le fit abondamment arroser avec de l’eau durant
quinze jours consécutifs. «Vous verrez, disait-il, qu’à
« la fin ce chien d’infidèle se transformera en beaux
« et bons ducats. » Mais, à son grand étonnement, lë
procédé n’ayant pas réussi, il se décida à faire bouillir
l’eau avec laquelle il arrosait le cadavre, sans obtenir
de meilleur résultat. Désespéré de la stérilité de
sa mine d’or, il se creusait la tête pour trouver le
moyen d’amener la transformation désirée, lorsqu’il
lui vint à l’idée que le malheureux docteur pouvait
bien lui avoir joué un méchant tour avant de mourir,
en faisant passer l’or de son corps dans le linge et les
livres qui remplissaient ses malles. Alors au lieu de
les brûler comme des impuretés, ainsi qu’il en avait
— m —
d’abord eu l’intention, il fit déchirer ces objets en
menus morceaux, que l’on délaya dans le plâtre destiné
au crépissage de sa maison ; il attendait encore,
au moment où il me conta cette horrible histoire, que
les murs de sa demeure se revêtissent de pièces d’or
d’un moment à l’autre. Rien au monde n’aurait pu le
faire revenir sur cette singulière croyance. Il ne me
cachait point qu’il eût été heureux de pouvoir ajouter
ma dépouille à celle de M. Forbes % et se moquait des
susceptibilités de Méhémed-Réza-Khan à mon égard.
J’avoue que je me sentais assez mal à l’aise à Djiàne-
Abad entre un tel monstre et son allié, aussi pressais-
je vivement Assad-Khan de quitter au plus vite ce nid
de vautours. Mais il parvint, sinon à me rassurer complètement,
du moins à calmer un peu mes inquiétudes
en me rappelant que l’alliance du Vézir de Hérat
et de Méhémed-Réza-Khan était une garantie suffisante
des intentions hospitalières de ce dernier vis-à-
vis de moi.
Les projets hostiles et ouvertement manifestés
d’Ali-Khan, Ser-Bendi, sur ma personne, rendaient
plus que jamais impossible mon retôur à Ferrali
par le Nord, car j ’aurais infailliblement rencontré
ses gens dans cette direction. Je me déterminai
donc à attendre jusqu’au lendemain, dans l’aprèsi
On peut lire une relation de la visite du docteur Forbes dans
le Sistan et de son meurtre commis par les Béloutches, dans le
Journal de la Société royale de géographie de 1842. Celte relation
a été faite par sir H. Rawlinson d’après le récit d’un domestique
qui accompagnait le docteur pendant cette dernière
excursion, où il trouva la mort.—Ed.