
dais dans un pays où la conscription n’existe point ?
Et encore faut-il avoir le temps de les former, de les
instruire, et avant qu’ils fussent prêts, les Russès auraient
le temps d’arriver dans le coeur de l’Inde. J’ai
tout lieu de croire que quarante à cinquante mille Si-
pahis qu’on serait en état de leur opposer — déduction
faite des troupes qu’il faudrait laisser derrière
soi pour maintenir les pays dont la soumission est
seulement apparente—ne leur résisteraient pas après
la première décharge de l’artillerie. Toutes les batailles
un peu sérieuses livrées par les Anglais dans
l’Inde ont démontré que les Sipahis, bons à combattre
les hordes asiatiqùes indisciplinées, ont faibli chaque
fois qu’ils se sont trouvés en face d’un ennemi déterminé
à se défendre ; jamais ils n’eussent triomphé des
Mahrattes et des Siks s’il n’y avait pas eu à côté d’eux
des soldats anglais pour emporter la victoire, souvent
au prix de pertes considérables.
Je n’ai point cherché à démontrer ici si la Russie
possède ou non les ressources nécessaires pour une
pareille invasion. Divers auteurs, dont le plus récent
est M. Hommaire de Hell, ont étudié son armée, et
d’autres détails qui s’y rattachent, de plus près que
moi, et ils se prononcent pour la négative, en se basant
sur le manque d’unité dans les parties qui la
composent. Ce dernier auteur cite surtout l’anarchie
et la vénalité qui régnent dans l’administration des
vivres comme un obstacle à tout projet semblable.
Je ne discuterai point si la Russie, en opérant quelques
réformes, ne pourrait pas en appeler de ce
jugement. Je m’étais simplement proposé de démon-
Irer la possibilité de diriger une expédition militaire
dans l’Inde, parce que je crois la chose très-praticable;
c’est aux parties intéressées à juger de la valeur de
mes arguments. Mais pour ne pas encourir le blâme
qu’on ne manquerait pas de m’adresser, d’avoir
montré de la partialité pour les Russes en leur indiquant
la marche que je crois la plus facile à suivre
par eux, il me reste à ajouter quelques lignes indiquant
aussi aux Anglais ce que je ferais à leur place ;
heureux si de cette manière je puis éviter les reproches
des deux pays.
En premier lieu, il serait difficile de prendre les
Anglais au dépourvu, et ils connaîtraient toujours
assez tôt les préparatifs de la Russie et de la Perse
pour se mettre eux-mêmes en mesuré de leur résister.
Dans le cas où l’ennemi se porterait dans le
coeur de l’Afghanistan pour les attaquer, les moyens
que j’ai indiqués comme devant faciliter la marche
d’une armée d’invasion dans cette contrée seraient
naturellement en grande partie praticables pour les
Anglais. Les chances seraient, d’ailleurs, à l’avantage
de ceux-ci, s’ils pouvaient, pendant la guerre, compter
sur la tranquillité de l’Inde. Ils auraient sur leurs adversaires
l’énorme avantage d’opérer à une petite
distance de leurs possessions-, où ils se ravitailleraient
facilement en cas de revers, pour reprendre l’offensive.
Si les Russes, de leur côté, pouvaient espérer le
concours des populations mécontentes , soumises à la
Compagnie des Indes, par contre, ils auraient toujours
à craindre la trahison d’alliés douteux, et cela à une
très-grande dislance de leur pays,, dont ils seraient