
toujours un Parsivan de le faire valoir. C'est l'industrie
et l’activité de ces derniers qui fertilisent le pays,
et encore n’en tirent-ils que de minces profits ; aussi
il en est bien peu qui arrivent à se créer une position
indépendante de leurs tyrans. J'ai eu l’occasion de
voir, parmi les nomades Eïmaks, bon nombre de vieillards
n'ayant, jamais mangé de viande, n'ayant jamais
eu le moyen de s’en procurer, quoique s’étant occupés
toute leur vie à élever de nombreux troupeaux :
un pain grossier, quelques grains de maïs ou des
fruits, voilà les seuls aliments dont ils se fussent
nourris pendant de longues années.
Bien que la sévérité de Yar-Méhémed Khan ait
obligé les Afghans à cesser leurs pillages dans la
plaine de Bakoua, les voyageurs ne peuvent pas cependant
la traverser en toute sécurité, car elle est
constamment battue par des Béloutches indépendants,
qui habitent les bords de l'Hirrnend. Montés sur leurs
rapides dromadaires, ils font de fréquentes excursions
sur le territoire du Hérat, et lorsqu’ils sont en nombre
ils s’attaquent souvent aux campements de nomades
et même aux villages, qu’ils ruinent de fond en
comble; ce sont ces excursions si souvent renouvelées,
autant que celles des Kandahariens, qui ont
amené la dépopulation de cette belle plaine. Il en
résulte que les habitants de ce district, étant tour à tour
pillards et pillés, éprouvent bien plus que ceux des
autres le besoin de guerroyer ; leur courage, leur
fougue et leur férocité s’en sont accrus au delà de
tout ce qu’on peut se figurer, ce qui ne les empêche
pas pourtant d’être très-hospitaliers. Comme ils ne
peuvent plus guère piller dans le Hérat, depuis que
Yar-Méhémed-Khan en est le souverain, ils s’en dédommagent
en poussant leurs tchap-aoûls chez les Bé-
loulches soumis ou dans le Kandahar. C’est toujours
la nuit qu’ils commettent leurs larcins, et voici leur
manière d’agir pour surprendre les voyageurs endormis
en plein air. Dès qu’ils sont renseignés par
leurs espions sur la façon dont le campement qu’ils
veulent piller est établi, ils s’avancent doucement jusque
là et se partagent habituellement trois par trois
pour attaquer chacune de leurs victimes. Le premier
d entre eux la saisit par le milieu du corps et lui lie les
mains avec une corde; les deux autres se précipitent,
l’un sur les pieds, l’autre sur la tête, qu’ils fixent
avec deux petites chaînes dont les extrémités sont
fichées en terre au moyen de deux grands clous.
Après avoir mis ceux qu’ils ont ainsi attaqués dans
l’impossibilité de remuer, ils les dépouillent tout à leur
aise et s’éloignent ensuite en emportant leurs chaîm s,
se contentant de laisser les mains lices à celui qu’ils
viennent de voler. Quand les pillards de Bakoua sont
en trop petit nombre pour faire leur coup comme je
viens de le dire, ils opèrent autrement, mais en tout
cas, ils ne s’y hasardent qu’autant qu’ils sont deux
pour attaquer un voyageur ; ils rampent alors en silence
jusqu’à lui, l’un vers les pieds, l’autre vers la
tete, et tandis que le premier passe un couteau bien
affilé à travers la plante des pieds de la victime
pour la mettre hors d’état de fu ir, le second lui
tire subitement de dessous la tête le havresac qui
contient ordinairement tout ce qu’elle a de plus pré-
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