
tées? J’étais d’autant plus désespéré que je redoutais
d’être ramené près de Yar-Méhérned-Khan : ce prince
ne pouvait-il pas ajouter foi aux stupides soupçons
de ses agents, et me retenir indéfiniment prisonnier
ou me faire retourner sur mes pas, ce qui m’eût été
également pénible ? Il fallut toutefois me résigner et
suivre le Serdar Habib-Ullah-Khan pendant les journées
des 17,18 et 19, dans ses excursions dévastatrices.
Le pic de Tchalap-Dalàne, un des plus élevés du
globe, domine le pays où nous nous trouvions; il se
dressait devant nous avec une majesté imposante, et
sous son cône neigeux se développaient les contours
les plus gracieux et les plus pittoresquement accidentés.
A la moitié.de son élévation, sa circonférence est
de 12 farsangs; ses flancs sont couverts de forêts, de
prairies, de villages et de tentes. On y trouve quelques
positions naturelles inexpugnables, où les chefs
du pays qui se sont succédé ont toujours eu soin
d’entretenir de petites forteresses pour s’y abriter en
cas de danger : celle où Ibrahim-Khan avait cherché
un refuge tout récemment se trouvant à 3 farsangs, sur
la hau teur, étaitparfaitement visible du camp hératien.
En contournant la montagne du côté sud-est, nous
aperçûmes trois anciennes villes fortifiées et assez
vastes qui eurent à diverses époques une certaine importance
dans la principauté ‘. C’étaient :
1 Quoique les montagnes entre Hérat et Kaboul aient été visitées
avant M, Ferrier par d'autres voyageurs, nul Européen
avant lui n’avait mis le pied dans cette chaîne de pics élevés.
Le baron von Hamner, dans le t. IV de son ouvrage, les Mines
de l’Orient, décrit le district voisin, qui s’étend au nord et qui est
appelé Gharshistan.—Ed.
1° Kalèh-Kaïssar, construite par Ghyaz-Eddin-Aboul-
Fetah.
2° Kalèh-Singui, construite par Châh-Sultan-Hus-
sein, Ghazi.
3° Fakhr-Abad, construite par l’émir Fakhr-Eddin.
Ces trois forteresses ne sont s'tuées qu’à quelques
farsangs au N. E. de Teïvèrè, et occupent le pays le
plus fertile et le plus pittoresque de la province ; malheureusement
le fléau de la guerre en avait chassé les
populations qui s’étaient retirées dans les hautes terres,
au milieu des ravins et dans des grottes inaccessibles
d’où elles voyaient, sans pouvoir s’y opposer, les ra vages
commis dans la plaine par les troupes de Yar-
Méhémed-Khan. Tout ce que les soldats hératiens ne
pouvaient pas emporter était impitoyablement brûlé
ou détruit : récoltes, arbres, maisons, rien n ’était
épargné.
Le 17, nous campâmes dans une vallée en entonnoir
formée par des collines boisées; le centre en était oc-
cupé.par un petit lac d’une farsang de circonférence,
dans lequel je vis pêcher de fort belles truites. On
trouve des écrevisses petites, mais très-délicates, dans
un ruisseau qui y aboutit : ce sont les seules que j’aie
vues dans l’Asie centrale ; il n’en existe nulle autre
part dans ces contrées. Il y a au milieu de ce lac un îlot
couvert de pins et de tamariscs, ombrageant des ruines
que les habitants du pays nomment But-Guiah (lieu
de l’idole). La ville de Kaïssar se trouve tout près de
là; mais il n’en reste plus que la citadelle, construite
en briques cuites et située sur le sommet d’un monticule
dont le talus naturel est tellement rapide qu’il