appartenant, que nous devions échanger, dans un
campement de nomades établi sur les bords du
Khachek-Roud, contre des petits dromadaires ontis,
plus propres que les chevaux à traverser les déserts.
Mon bagage consistait en un havresac, porté en
croupe par Tun des hommes de mon escorte. Celle-ci
était composée de douze solides gaillards, déterminés,
bien armés, à la démarche fière et résolue ; avec
leurs habits en lambeaux, ils avaient l’air de ce qu’ils
étaient effectivement, de vrais pillards et batteurs
d’estrade. En les voyant, j'augurai bien du voyage,
mais je me trompais encore cette fois; il me restait à
faire connaissance avec les Béloutches, et c’était une
grande affaire. Le soir nous arrivâmes à Kariz-
Makou, près duquel j ’avais déjà passé en revenant
de Girishk.
Khouspas.— 21 octobre. — Distance de 7 farsangs,
en plaine. Au lieu de suivre la route de gauche par
laquelle j’étais arrivé à Ferrah, nous nous dirigeâmes,
en quittant Kariz-Makou, à droite, vers le S.-E.
Nous traversâmes un défilé qui coupe les derniers
contre-forts des montagnes de la Paropamisade, à
un endroit où elles s’avancent comme un promontoire
dans la plaine de Bakoua et la séparent de celle
de Ferrah. Nous franchîmes onze farsangs à travers
un pays aride et inhabité. En nous éloignant de Ferrah
pour avancer vers le Sud, nous trouvâmes une
contrée de plus en plus stérile, où l’on ne découvrait
que rarement des traces de végétation, encore ne consistaient
elles qu’en quelques bouquets étiolés de ta-
mariscs, dont l’aspect attristait davantage ces espaces
dénudés. Les bêtes féroces elles-mêmes fuient ces
steppes désolés, et les troupeaux d’ânes sauvages (onagres)
furent les seuls animaux que nous y remarquâmes.
Les journées de marche sont longues dans cette
partie du Sistan , et il n’y a pas moyen de les
abréger, car il faut absolument se rendre au puits ou
à la source, lieu de l’epos habituel, où Ton trouvera
de l’eau. En roule il n’y a rien, si ce n’est un soleil
de plomb sur la tête et un sable de feu sous les pieds.
Cette obligation de fournir toujours les mêmes étapes
a encore un inconvénient majeur, c’est que les Béloutches,
sachant d’avance que les voyageurs ne peuvent
s’arrêter qu’à certains endroits pourvus d’eau,
viennent les y attendre pour les dépouiller. Il faut
donc avoir ses armes constamment chargées et en bon
état afin de pouvoir combattre au besoin les pillards.
En débouchant du défilé dont je viens de parler,
nous nous acheminâmes au hasard à travers une
immense plaine de sable; mes guides la connaissaient
pour l’avoir traversée vingt fois, et ils s’y dirigeaient
avec ce merveilleux instinct propre aux Asiatiques, sur
des indices qui échapperaient certainement à l’oeil
d’un Européen ; la couleur de la terre, un petit tertre
leur suffisent pour se reconnaître. La chaleur nous accablait,
car le Simoun soufflait depuis le leverdu soleil
et nous faisait cruellement souffrir; nos gosiers étaient
en feü : nous avions presque le vertige, et nos chevaux
étaient aussi haletants ; ils se couchèrent sitôt arrivés
au gîte de Khouspas, lieu désert, mais où se trouve un
petit marais fétide dont l’eau est cachée par des roseaux