
contre Ahmed et Ali^ je leur pardonnai en considération
dé leur conduite loyale et énergique quand nous
fûmes attaqués par les brigands en sortant de Wachir;
et, sans compter une attestation de contentement que
je leur remis, je donnai à Fun ma robe afghane et à
l’autre mon turban, objets qui leur faisaient envie
depuis si longtemps ; j ’y joignis en outre une petite
somme d ’argent, et ils me quittèrent tous les deux
fort contents.
Méhémed-Sédik-Khan, fils aîné du Serdar Kouhen-
del-Khan, chef souverain du Kandahar, était âgé de
trente-deux ans quand j’arrivai chez lui. Sa taille est
petite, ses traits réguliers ne manquent pas d’expression,
et ses yeux noirs, très-fendus, mais aux trois
quarts recouverts par les paupières, dénotent la fausseté.
Son caractère est féroce et intraitable, son coeur
de bronze, et son ambition insatiable; je n’ai pas connu
d’Afghan plus avide et plus vaniteux que lui. Comme
il n’obéit pas à d’autre loi qu’à celle de ses passions
et qu’il rt%ne par la crainte, son administration est
très-pénible à supporter pour ses subordonnés, qu’il
tyrannise et torture à tout propos. Son âme aride ne
s’attache à personne, pas même à ses parents les plus
proches, qu’il sacrifierait sans pitié pour satisfaire son
ambition et son orgueil. Ce prince est le plus mauvais
musulman de tout l’Afghanistan, et, depuis bien
des années, nul ne l’a vu faire une seule prière, ni
jeûner pendant le Ramazan, ni s’astreindre, aux autres
prescriptions du Koran; son scepticisme en fait de religion
est poussé aux dernières limites, et, à cet
égard, il n’a sans doute pas son pareil dans toutes ces
%
contrées. Ce Serdar est un assemblage des plus viles
et des plus hautes qualités, car il est impossible de
lui refuser une grande intelligence et une imagination
qui ne tarit jamais. Cherchant continuellement à
s’instruire, il possède une mémoire remarquable,
dans laquelle il a classé avec ordre-toutes les choses
qu’il a apprises des Européens ; aussi a-t-il deviné
l’influence salutaire de la science et des arts sur la
régénération des peuples, et si jamais il arrive au
pouvoir suprême, son règne sera celui d’un tyran
sanguinaire et cupide, mais peut-être aussi celui
d’un réformateur. Il a eu dans sa jeunesse un
maître de dessin italien, et a parfaitement profité •
de ses leçons ; son talent serait apprécié même en
Europe. Il est vraiment-déplorable de voir ce chef
faire lin aussi mauvais usage des qualités qu’il a
reçues de la nature ; son esprit, en effet, est toujours
porté au mal, mais ses mauvais penchants
sont moins le résultat de son organisation que de
l’éducation qu’il a reçue. Nommé gouverneur de
Girishk, dès son enfance, et confié aux soins d’étrangers
qui trouvaient leur avantage à flatter ses
passions et ses caprices et à le laisser jouir sans
réserve de tous les enivremens du pouvoir, il n’a
jamais trouvé personne qui s’occupât de lui faire discerner
le bien du mal et de le diriger dans la bonne
voie. Tous ses parents, et son père lui-même, le détestent
cordialement et il ne compte pas un ami en
Afghanistan. 11 n’a même pas su 'conserver les
alliances qui lui étaient le plus nécessaires pour
arriver au souverain pouvoir, but de sa constante