gneusement les campements en faisant des détours
parfois assez considérables. Nous montâmes à cheval
aussitôt qu’une légère teinte blanche , se dessinant
à l’horizon, nous annonça le prochain retour
du soleil. Nous avançâmes avec prudence et vigilance
afin d’éviter toute surprise, cheminant au milieu
des tamariscs, des saules et des mimosas, ayant
l’Hirmend à notre droite et laissant à gauche les déserts
silencieux du Sistan. La lune, sur son déclin,
reflétait sa pâle clarté sur leurs sables rougeâtres et
luisants, et nous paraissions côtoyer une immense
fournaise. Le bruit de notre marche se perdait dans
celui qu’occasionnait le bouillonnement des eaux du
fleuve roulant avec rapidité sur un lit de gravier
souvent obstrué par des rochers ou des îlots boisés.
Nos ennemis ne paraissaient plus et nos inquiétudes'se
calmaient un peu, lorsque l’apparition subite
d’un vol de perdrix surprises (fcms leur sommeil, et
s’élevant tout à coup avec bruit du milieu des broussailles,
nous fit éprouver une émotion passagère qui
provoqua deux ou trois coups de fusil que tirèrent les
gens de l’escorte, croyant avoir affaire à des Belout-
ches. Le bruit de ces détonations mit en émoi les hôtes
de ces bois, et nous vîmes aussitôt des chakals, des
daims, un guépard et un troupeau d onagres senfuir
à notre approche. Là se bornèrent nos rencontres.
Vers les dix heures du matin, le 26 octobre, nous
nous reposâmes un moment dans un bas-fond et envoyâmes
un Afghan et notre guide béloutche à une
demi-heure de là, dans un lieu nommé Dichou, pour
nous approvisionner. Ils revinrent bientôt nous annoncer
que nôtre présence n’était pas soupçonnée au
campement où ils avaient acheté un peu d’orge pour
nos chevaux et deux pains pour nous. Après les avoir
dévorés en un clin d’oeil, nous remontâmes à cheval et
nous marchâmes jusqu’à nuit close en suivant l’Hirmend.
Nous vîmes près du village de Peul-Alek plusieurs
cadavres entraînés par ses eaux ; c’étaient ceux
de Béloutches morts du choléra, auxquels la superstition
des survivants refusait la sépulture, parce
qu’on pensait que ceux qui mouraient ainsi étaient
des réprouvés et des pécheurs endurcis.
A peu de distance du village de Peul-Alek, nous passâmes
sur la rive droite de l’Hirmend et arrivâmes au
bourg de Roud-Bar, près duquel nous fîmes halte dans
un fourré d’arbres, cachés aux yeux des habitants,
mais à même de les distinguer de loin lorsque la lune
se leva. Notre Béloutche fut encore envoyé aux provisions
et nous rapporta seulement de la farine. Nous
ne pouvions songer à allumer un grand feu, qui nous
aurait fait découvrir; nous délayâmes donc la farine
dans un peu d’eau et la mangeâmes crue, puis nous
nous endormîmes sur ce maigre repas. Ce repos nous
était bien nécessaire, car nous avions franchi plus de
huit farsangs pendant la nuit, presque toujours au
galop, et onze autres dans la journée précédente. La
domination du Kandaliar, en suivant le cours de l’Hirmend,
finit à Roud-Bar. Si j’en ai bien jugé pendant la
nuit, c’est une localité assez considérable pour cette
contrée ; dans tous les cas elle doit être fort ancienne.
Près du lieu où nous étions campés, il y avait une
vieille digue dont le pied baignait dans les eaux du