
bai en défaillance. Ma détresse toucha Sans doute les
Sipahis, car ils augmentèrent ma ration de pain et y
joignirent du fromage avec une écüelle de lait.
Kandahar.—30 août.—Distance de six farsangs en
plaine. Après avoir marché trois heures dans une
espèce de désert, nous nous abritâmes contre la forte
chaleur sous une plantation d’arbres située sur le bord
d’un des bras de l’ürghend-âb, dans un lieu nommé
Takht-Sindjavi. Depuis là jusqu’à Kandahar, l’on
compte trois autres farsangs, mais alors le pays
change d’aspect. Entre ces deux localités le sol est couvert
d’habitations, d’arbres et de cultures : on traverse
la rivière d’Urghend-âb une heure et demie avant
d’arriver à la ville. Je trouvai son lit presque à sec et
ne contenant que quelques flaques d’eau assez étendues
dans les bas-fonds. La chaleur dessèche ce fleuve
en été et le peu d’eau qui reste est utilisé pour arroser
et fertiliser les cultures environnantes au moyen de
coupures pratiquées dans le sol. Au delà de la rivière
le pays se resserre, d’immenses blocs de rochers gisent
çà et là sur le sol qui est fréquemment coupé par
des ruisseaux traversant de nombreux et vastes jardins
ou vergers.
La vieille ville de Kandahar était située à moitié
chemin entre l’Urghend-âb et la nouvelle ville.
Elle occupait une forte position sur une très-haute
montagne de rochers abrupts et se divisait en trois
parties distinctes, assises sur des éminences qui se défendaient
l’une par l’autre. Les crêtes les plus élevées
de cette montagne étaient couronnées par Un grand
nombre de très-grosses tours reliées par des courtines.
Celle qui était située sur le point culminant était pour
ainsi dire imprenable; elle dominait la citadelle, placée
plus bas sur la deuxième éminence, et celle-ci dominait
elle-même la ville, bâtie sur un plateau élevé
au-dessus de la plaine et entourée de triples remparts,
laissant entre eux et les maisons un espace vide assez
considérable pour y faire camper les troupes de la
garnison en temps de guerre. Cet espace était transformé
en cultures et en jardinages en temps de paix.
Tout près de la route je vis les restes, assez bien conservés,
d’un bastion formidable élevé par les troupes de
Nader pour battre les murailles en brèche; au-dessus
de ce bastion l’on rencontre soixante marches, creusées
dans le flanc d’un rocher, qui conduisent à une
petite chambre aussi taillée dans le roc, dont les parois
intérieurs sont recouvertes de sculptures parmi lesquelles
deux lions enchaînés attirent plus particulièrement
l’attention par la grandeur de leurs dimensions.
Les remparts de la vieille ville étaient en grande
partie construits avec des fragments de rocher, liés
les uns aux autres par de la terre glaise mêlée de
paille hachée, et dans cet état ils résistaient plus qu’on
ne saurait le penser aux effets destructeurs de l’artillerie.
Celle de Nader-Châh, qui était nombreuse et
bien servie, resta là près de dix-huit mois sans pouvoir
y pratiquer une brèche suffisante pour livrer l’assaut.
C’est par les hauteurs, mais après une défense héroïque
des Bakhtiaris, que la place fut prise et ensuite
ruinée de fond en comble. NadeL la reconstruisit
à une portée de canon plus bas dans la plaine et
lui donna son nom, Nader-Abad. Mais cette nouvelle