A deux heures de l’après-midi, le 18 septembre, ils
rouvrirent le feu contre nous : ce fut, comme la
veille, une fusillade continuelle et peu meurtrière
jusqu’à la nuit. Mais, à la faveur de l’obscurité, plusieurs
de ces fanatiques étaient parvenus jusqu’à la
principale porte d’entrée,en cheminant dans le lit d’un
ruisseau dont les eaux baignaient le pied de la maison;
ils l’eurent bientôt enfoncée. Nous les laissâmes faire
tranquillement, parce qu’une seconde porte, située à
l’autre extrémité du vestibule, devait leur présenter
un nouvel obstacle dont il était plus difficile de triompher.
Dès qu’ils eurent pénétré dans ce vestibule, et au
moment où ils croyaient nous tenir, ils furent salués
par une décharge à bout portant, partie des meurtrières
pratiquées dans les murs. Aussitôt après, le
plancher vermoulu du réduit situé au-dessus d’eux
s’abattit sur leurs tètes, quand nous déplaçâmes, au
moyen de cordes, les étais par lesquels il était soutenu.
Ceux qui ne furent pas écrasés ou étouffés par les
décombres se précipitèrent, très-maltraités, au milieu
de la foule compacte qui remplissait la rue et formait
une très-longue queue. Le reflux causé par ce mouvement
de retraite détermina parmi cette foule une
panique peu appréciable à l’oeil de l’intérieur, où nous
étions retranchés et dans l’obscurité, mais dont nous
pûmes nous rendre compte en entendant les cris de
détresse poussés par cette cohue sanguinaire. Nos
balles, plongeant au milieu d’elle sans discontinuer,
y faisaient de larges trouées. Bientôt la débâcle fut générale.
A neuf heures du soir la place était balayée et
l’ennemi s’étâit retiré à distance respectueuse hors de
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nos atteintes. Sa perte dut être grande dans ce dernier
engagement; la nôtre fut insignifiante : un Si-
pahi seulement fut contusionné par un coup de
pierre.
16 septembre.—On nous laissa tranquilles pendant
une partie de cette journée; mais, à cinq heures
du soir, nous fûmes attaqués pour la troisième fois
avec une vigueur dont je n’augurai rien de bon. Les
terrasses environnantes étaient couvertes d’émeutrers,
les projectiles s’abattaient comme la grêle dans notre
logis, et en un clin d’oeil nous eûmes sept hommes
tués et plus du double de blessés. Les pelotons de
réserve arrivèrent vainement à notre aide sur les terrasses
; ce renfort n’aboutit qu’à augmenter nos pertes,
puisque plus nous étions, plus les balles de la révolte
faisaient de ravages parmi nous. A neuf heures du
soir je jugeai la position désespérée; nous ne pouvions
pas tenir plus d’une demi-heure, lorsqu’à notre grand
étonnement l’ennemi disparut subitement en entendant
le bruit d’une vive fusillade partant du côté de la
citadelle.
Voici ce qui était arrivé : Kouhcndel-Khan avait
temporisé et amusé l’émeute pendant les deux premiers
jours, étant dans l’impossibilité de réprimer
ces fanatiques avec deux ou trois cents Sipaliis qu’il
avait sous la main; mais, dès le principe du tumulte,
il avait envoyé l’ordre à toute sa cavalerie éparse
dans les villages environnants de se rendre à Kanda-
har. Après s’être réunie sur un point donné, elle était
entrée dans la ville et avait pris l’émeute en queue.
Celle diversion avait forcé les révoltés de faire face