le capitaine Conolly, passant par cette ville, ajouta
16 tellalis à sa trouvaille, ce qui lui permit de se
racheter. En rendant cet infortuné à la liberté, l'officier
anglais l’avait pris à son service, et depuis ce
temps Méhémed partagea toutes ses infortunes, jusqu’au
jour où son malheureux maître fut assassiné
par l’émir de Bokhara. J’ai dit autre part comment
les quarante-quatre serviteurs des Anglais dont il faisait
partie furent délivrés du Siha-Tchâh de cette
ville. A la suite de son élargissement, Méhémed était
revenu dans l’Inde, où il avait successivement servi
le frère de M. Conolly1, sir Richmond Sheakspcare
et le major Rawlinson; ce dernier l’avait emmené
à Bagdad, d’où il était parti en même temps que
moi; mais il n’était entré à mon service qu’à Me-
ched, après le vol et la fuite de ce misérable Sadeuk.
Le serbas Ali devait donc le remplacer. Mes chevaux
avaient en outre pour conducteur un Parsivan
nommé Ahmed, et par l’ordre de Yar-Méhémed-
Khan, un major nommé Habib-Ullah-Khan devait
me fournir un des officiers sous ses ordres pour
me conduire jusqu’à Kandahar. Cet honnête major
devait pourvoir lui-même à la dépense de son délégu
é , mais il préféra m’escroquer 36 francs, sous
le prétexte d’acheter une robe et des bottes à Djab-
bar-Khan, qui devait m’accompagner. C’élait purement
et simplement afin de garder 30 francs pour
lui, ce dernier n’ayant reçu ni robe ni bottes, mais
seulement 6 francs avec lesquels il devait pourvoir
à ses frais de retour jusqu’à Kandahar. J’eus encore
la malheureêsc idée de faire une autre dépense
q u i me causa bien des désagréments. Mes effets s’étant
quelque peu abîmés dans les sacs où je les avais
enfermés à Ser-Peul, je les replaçai dans des malles
que j ’achetai à Hérat. Il n’en fallut pas davantage pour
exciter les soupçons des Afghans, qui les crurent remplies
d’or et essayèrent deux ou trois fois de me dévaliser.
Comme il m’a été impossible d’arriver jamais jusqu’à
Kaboul, les lettres que m’avait remises Yar-Mé-
hémed-Khan pour l’émir Dost-Mohammed et son fils
sont restées entre mes mains. Je transcris ici leur
traduction, pour donner une idée du style fleuri et
ampoulé dont on se sert encore aujourd’hui dans les
cours des princes afghans.
Lettre de Yar-Mèhèmed-Khan à l'émir
Dost-Mohammed.
«Que par la protection divine, l’affectionnée per-
« sonne de mon très-heureux frère, le dispensateur de
« la clémence, de la puissance et de la force de l’Etat ;
« l’éclat du drapeau du royaume, du pouvoir et de la
« fortune; l’ornement du trône, de la magnificence, de
« la grandeur et de la gloire ; le conservateur de la re-
« nommée et des forteresses inaccessibles; la parure et
« l’embellissement de la couronne de la prospérité et de
«la munificence; le fondateur des grandes choses et
« des grandes idées, puisse être sur le lapis de la va-
« leur et de la fortune, dans le sanctuaire du Créateur,
« préservée de tout accident et de tout événement de
« ce monde, afin qu’elle puisse enfin augmenter encore
« l’éclaf du siège de la magnificence et du pouvoir