de sensibilité dans l’accent du Mollah, que j ’étais aux
trois quarts convaincu,et je le remerciai avec effusion
de toutes ses bontés. En se retirant, il me prévint
qu’en attendant la réponse du Vézir-Saheb, je resterais
dans la chambre où j’étais, gardé par quatre Ser-
bas, comme je l’avais été à Hérat; mais il ajouta:
« C’est seulement pour la forme et pour abriter ma
« responsabilité ; tu sortiras tout à ton aise et visi-
« teras les environs, accompagné par tes gardes. De-
« mande-leur tout ce dont tu auras besoin, ils te le
« donneront à l’instant, car je te considère plutôt
« comme mon hôte que comme mon prisonnier, tu
« en auras la preuve. » La première impression produite
sur moi, par le Mollah Mahmoud, avait été favorable;
son air réjoui et la rondeur de ses manières
m’avaient plu tout d’abord; cependant, à mesure qu’il
avait laissé percer son avidité, cette bonne impression
avait disparu, et je le voyais semblable à ses compatriotes
; car, je le savais, -en proposant ses services,
un Afghan sous-entend toujours qu’il en sera matériellement
et généreusement récompensé. Le Mollah
Mahmoud était bien aussi un peu avide par éducation,
mais non par nature, et il rachetait ce travers, à mes
yeux, par son désir sincère et très-évident de me venir
en aide. Je lui ai conservé un souvenir durable de
tous ses bons offices, et ses attentions humaines et généreuses
m’ont fait revenir un peu de l’horreur que
j ’éprouvais pour ceux de sa race.
Mirza-Khan vint bientôt prendre congé de moi et
me demander un reçu de ma personne. Il était affublé
d’une robe d’honneur (khalat) en indienne anglaise,
que lui avait donnée le Mollah Mahmoud; il paraissait
tout fier et heureux de cette distinction, bien que
l ’étoffe ne valût pas plus de trois francs cinquante centimes.
Je lui donnai aussi une attestation de contentement,
quoiqu’il m’eût laissé voler mon kaïlloun
(ma pipé), et diverses autres bagatelles par ses gens ;
mais je n em ’attachai pas à ces petits larcins, qui font
le suprême bonheur des Afghans, et je me rappelai
seulement la bonté de cet homme vénérable. Mon
coeur se serra en le quittant comme s’il eût été mon
ami depuis vingt ans, et cette sympathie subite est
facile à comprendre, car il était à peu près la seule
créature à sentiments humains que j ’eusse rencontrée
depuis mon départ de Hérat. A vrai dire, la pensée que
je venais d’être remis entre les mains d’un homme
non moins généreux calma la véritable peine que je
ressentis en me séparant de lui. Le même jour le Mollah
Mahmoud écrivit à Yar-Méhémed-Khan, comme
il me l’avait promis, et je joignis une lettre à la sienne
pour informer ce prince des vicissitudes que j ’avais
éprouvées dans le Kandahar et des causes de mon
retour dans sa principauté.
Du 8 au 15 octobre. — Le lendemain il s’opéra un
changement aussi rare que subit, à pareille époque
de l’année, dans la température de Ferrah. Les habitants
assurent que la chaleur y est si forte jusqu’au
15 novembre, qu’un oeuf exposé au soleil durcit en
une heure, et qu’une balle de plomb y devient malléable
au milieu de la journée; mais cette année, par
exception, le vent du Nord souffla violemment le
8 octobre, et détermina un froid inconnu jusqu’alors