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asservies aux profils du momenl, uc mauqucroieiit pas d’cloiiflcr cetlc
colonie daus son enfance. Ou admire l’activité courageuse dc ces Grecs, qui,
tourmentés daus leur patrie ct forces dc i’uir f AlLi(|uc et le Ptlopoiinèsc^
ont surpris uu asylc sur la cote d’Asie; mais riuLérèl qu’ils iiispiretil
sera plus vif encore, lorsqu’on apprendra que les premiers cfiéls d’uu
peu d’aisance et tic liberté ont déjà réveillé chez eux l’aUrail des cotuiois-
saiices, ct celte avidité dcs’iuslruirc qu’on suppose si faussement étoiiilc
depuis long-temps parmi les dcsccndans des fameux Hellènes; lorsiju’oii
saura qu’il y a sur ce rivage dc l’Éolide une école où la jeunesse apprend
à lire Homère cl Thucydide, el un professeur dc mathématiques et de
physique, répandant les lumières qu'il est venu puiser à Paris.
Ces détails surprendront ceux qui, par une erreur trop commune,
croient la nation entière des Grecs plongée dans l’ignorance ct le découragement,
fruits d'une longue servitude, ceux qui ne savent pas que le génie
national s’est constamment tenu en état de résistance contre les malheurs
de la patrie. Sous ce rapport aussi, les Grecs attendent uu vengeur; il
les feroit connoître; il dissiperoit le nuage dont se trouve enveloppée
leur histoire littéraire, ct prouveroit que les lalens n’ont pas entièrc-
mciiL déserté leur terre natale; que ce feu sacré, affaibli, souvcnl prêt
à s ’cleindre, a toujours été conservé chez eux, et a même repris par
intervalle quciqu’cclat.
C’est un spectacle digne des regards dc Dieu même, dit Séncque,
que l’homme courageux aux prises avec l’infortuiic ; ici, c’est uuc nation
entière q u i, par une suite constante d’efforts, résiste aux maux dc
tout genre, échappe à l’ignorance vers laquelle un fanatisme barbare la
rejette sans cesse, perd sa liberté, mais sans cesser de la rcgrctLcr; et
qui, privée dc scs droits, n’abdique pas du moins celui qui sauve dc
l’avilissement, celui qui permet encore quelque espoir, le droit imprescriptible
de haïr scs oppresseurs.
Des rcclierclics faciles eussent suffi pour faire connoître l’histoire de
la littérature grecque du moyen âge, ainsi que son état actuel, et pour
nous préserver de notre dédaigneuse insouciance. Nous devions bien du
moins à nos maîtres, dc les suivre des yeux dans leur infortune, d’applaudir
à ceux dont le génie actif ct pénétrant a lutté, souvent avec
honneur, contre des revers qui eussent éteint à jamais toute autre nation;
mais nous avons oublié nos bicniàiteurs; ils étoient malheureux.
Si l'on a , dans notre occident, quelque connoissance dc la langue
des Grecs, ou la doit à ceux qni, fuyant l’oppression, viiireiil, après la
¡irise dc Conslanlinople, clicrchcr un asylc dans nos contrées. Nous ne
possédons que cc qu’ils nous ont donné pour prix dc ^JlOS¡)iLalILc; et
nous avons insulté à finfortunc de leurs compaLrloles; nous avons exagéré
les funestes effets de leur cruelle situation. La mémoire de leur gloire
passée nous a rendus trop cxigeans, ct dès lors injustes : ils portent un
dc ces grands noms toujours difficiles à soutenir sans fortune, et dont
les héritiers dépouillés sont, même avec un mérite réel, forcés de ¡ilicr
sous les rigueurs d’uu sort inévitable. Les Grecs dans le mallieur n’ont
pu faire rccoinioîlre les droits qu’ils conservent à l’eslime des nations
éclairées par leurs pères; cl si le.premier j’ai élevé la voix en leur faveur,
j'cLois alors, après un ra}>idc voyage, bien loin encore dc savoir a|)|)ré-
cicr toutes les ressources de leur esprit : depuis quelques années siir-lout,
ils ont fait dc nombreux efforts pour sc relever, pour sc familiariser
avec les grands modèles qui leur ont été laissés, ct rendre à lour langue
son antique pureté. Lorsque je décrirai Constantiiiople, ct que je parlerai
des peuples différcns qui habitent cette capitale, j’essaierai de donner
un appcrçu dc fctat actuel dc la langue ct dc la littérature grecques ;
peut-être y Irouvcra-t-on quelques notions qui ne seront pas sans intérêt.
Un peu au-delà d’IIcracléc, oLoiL Cistliciia, ville déjà délruilc du
temps de Strabon cl dc Pline , mais dont le port, qui offre encore
aujourd’hui un bon mouillage, continuoiL cependant à être fréquenté.
Eu suivant la roule, qui traverse un gi'and nomijrc de villages, on arrive
à Pclle-Kcui qui paroit être rancienne Corvphas, d'après la position
que lui assigne la table dc Peutingcr, à quinze milles romains d’Adra-
myttium ( i) .
Sur le cap Pyrrha, facile à recoiiiioîlrc, \cnus avoit un lcm|)le qui
donnoit à cc canton le surnom d’Aphrodisias (2). Si fon pénètre plus
avant dans le golfe, on trouve un écucil, ct l'cmboucburc d’une petite
rivière qui baigne fcnccintc dc Rcmer, située à i y 5 o toises de la mer.
Cette ville paroît être cnlièromcnt nouvelle, quoique j’y aie Irouvc dos
débris antiques : cc sont probalilemcnL les vestiges d'un lcm¡)le peu
célèbre, ou de quelques maisons de plaisance. Ce beau pays, encore
couvert dc villages cl de superbes moissons, éloit une des ¡>lus riches
(1) Tab. Peuling. segm. 9. Strab. Lib. X l l l , p. 60G. riiii. Lib. V , o. 3o.
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