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J' uc du toinheau d ’A ja x .
L e s faits Iiistoricjues semblent avoir acquis le dogrc de certitude dont
ils sont suseepliblcs, lors(]u’ils sont rapporU's par dos témoins intelligens
et cclairc's, (|u’aucuno passion n'a ¡)u avouglcT, (lu’aucun intérêt n’a pu
séduire, lorsque leurs témoignages s’accordent bien cnlr’cux; (¡u’ils ap-
¡uiicut des mêmes circonstances, soit le récit dc cc qu’ils ont vn, soit
la iîdidilé (les traditions qu’ils ont recueillies; lorsque Jcs faits (¡u’ils ra¡>-
¡»ortcnt n’offensent ni la raison ni la saine physi(¡ue; cniîn, lors(¡uc, ¡»our
complément dc preuves, ils citent des monumens (¡ui sc retrouvent encore
dans les mêmes lieux où ils les ont indi([uês. Tous ces caractères
ne sont pas, sans doute, indispensables pour établir un fait: l’esprit
humain n’est pas si difficile cn croyance; mais leur réunion, alors qu’on
peut foblciiir, élève au plus haut degré la certitude, ou, si l’on veut, la
prohabilll(i hislori(¡ue.
ü n nc saurait démontrer d’une manière absolue que les lombcaux
encore cxistans sur le rivage de l’Hellesponl, onl été réellement élevés
¡ ) ü u r Ajax ct Achille; mais, aulant qu’un fait dc cette nature peut être
¡»rouvé, il est certain (¡ne ce sonl ceux que Jcs anciens ont universcllc-
mcnl cru, à tort ou à raison, a¡)¡)arlcnir à ces héros; on ne ¡»eut douter
que cc ne soient les monuincns qu’ils ont honorés ¡»ar un culte public,
constant, el (¡ni s’csL perpétué jusqu'à l’cnLicrc extinction dc leurs coutumes
religieuses.
On voit (¡ne je nc prétends pas Lroid»lcr dans les jouissances de leur
scepticisme ceux (¡ni, allacluinl du prix à se soustraire aux (»¡»iiiions
reçues, YCülciil conserver le ¡»laisir de nier (¡u’il y ail eu uuc guerre dc
Troie, (¡u'il ait jamais existé un Achille cl un Ajax. S’ils restent iimbran-
lal)lcs dans leur opinion, ils seront du moins forcés dc convonir (¡uc
railleur de l'iliadc a eu le imirite dc connoître pariiùlcment ct dc décrire
avec exactitude les lieux (¡u’il avoit choisis ¡»our la scène de son ¡»oèmc;
(|uilasii, avec une mervoillousc adresse, lier à son sujet des moiumiens
(¡ui sc trouvoieut sur cc même Lerrain, et les consacrer pour la postérité
cn V attachant dc magi(¡uo.s souvenirs, et des noms, à (¡uci([iic titre (¡uc
cc soit, déjà célèbres avant lui. *
On nc m’accuscra pas dc fanatisme, ct l’on voit que je sais même au
besoin composer avec l’incrédulité. Ma tolérance dans celte occasion n’est
pas à la vérité Lout-à-làit désintéressée; il y entre un peu dc prévoyance; et
je dois me mettre cn garde contre ces alla(¡ues, si communes et si commodes,
de gens qui, avec uu mol plaisant ¡»rcsque toujours si facile à trouver,
d()oucnt des années do travaux et dc réflexions. Je n’ai depuis lung-tcmps
vu par(»îlre aucun ouvrage un peu remarquable sans rcnlcndrc déchirer
par (¡uelí¡ll(;s'uns dc ces critiques dc société, bien Iranchüiis, bien sûrs
clc leur infaillibilitc, qui, suivant leur usage, ne l’a voient pas lu; (¡ui même
l’avouent si on les ¡»rcsse un peu : ils font entrevu; c’en est assez pour
que leur sagacité ail acquis le droit de ¡»rononccr : cl ce|>eiKlanl ces ouvrages
avoient ¡»ar le talent dc leurs auteurs bien plus de droits que les
miens à n’être pas si lestement jugés. Il a dù m’être permis dc ¡»rendre
mes ¡»récaulioiis cl de constater ce que j’ai rigoureusement voulu dire.
AvaiKjüns-nous maiiiLciiant vers ces tombeaux quo mes rcchcrcbes
ont mis en jouissance dc leur ancienne célébrité; ct, nous rapprochant
dc l’Ilellespont, allons examiner le tombeau d’Ajax dont nous n’avons
fait d’abord que rcconnoîlre l’(-m¡)laccmcnt.
Ajax, fils de Télamon, dans son désespoir de n’avoir point obtenu les
armes d’Achille, s’étoil lui-niêmc (»lé la vie. Ses troupes lui élevèrent
un Lombeau près du heu qu’oecupoit sa flotte, sur ia ¡»ointe tlu cap
Rhéléc; ct bientôt, par nue suile de ce respect, de cette espèce de passion
dos peuples pour tout cc qui tenoit à la guerre dc Troie, on éleva
des tcnq»les aux deux plus fameux héros morts sur cc rivage. Nous
trouvons dans Homère lui-même les premiers lilres qui constatent l’cxis-
lencc (le ces Lomheaux, dont il faut convenir (¡ue la longue durée a droit
dc nous étonner.
Nestor, parlant à Télémaquc des derniers événemcns de la guerre
dc Troie, ct do cc (¡ni s’étoil passé dans la Troade à celte épo(¡uc,
lui-dit : « J.à, gît Ajax, guerrier semblable à ?Mars; là, repose le bouillant
B Achille; là, sonl les restes dc Ibilrocle, que sa prudence égaloit aux
» Dieux. Sur ces rivages, reposent aussi les cendres do mou cher
» fils, de ce lils ¡»loin de valeur cl doué de toutes les vertus, mon cher
» Anliloque(i) ».
(i) Odyss, Lib, lit , v. io8 et scq.
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