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De vieilles Iradilions apprciioienL que sonveuL le mailre des cieiix avoiL
quiué l’Olympe, pour venir sons la forme d’un simple morlcl Icnler la clia-
rilé des immains ; c’cloil un molifl>uis5ant dc soulager lous les inromms;
mais jamais le souverain des mers no parrouroil ainsi déguisé son vaslc
empire ; on ne couroil poiiiL le risque d’oulrager un dieu caelié sous la
formo d’un simple nauloiinier ou d’uu pèeliciir ; cl il ne pareil pas qu’aucune
fable ail couvcrl les navigalcurs de son voile lulélairc.
Sur le eoiiünciu, on coinbloil dc bienfaits, on admcttoit à sa table,
le mallicurcux le plus inconnu; ct dans le même temps, ou vcndoit sans
scrupule, cl, ec qui inéritc d’etre remarqué, sans la moindre réclamation
des sages ct des pliilosoplics, le voyageur paisible saisi snr les mers, ou
la jeune fille enlevée sur le rivage à ses pareils désolés. Existoit-il donc
1111 code particulier, un droit des gens, une justice différcnlc pour eliaquc
élément ? Comment expliquer tant dc barbarie voisine ct contemporaine
dc tant d’iuimanité? Suffira-l-il dc rappeler que, lorsque la civilisation
n'est encore qu’ébaucliéc, ou lorsqu’elle est dépravée par son excès même;
lorsque les lois sont impar&itcs ou tombées dams le mépris, ct toujours
quand la morale ne repose sur aucun principe révéré, c’csl alors que
doivent se rencontrer les plus éloiinans conlraslcs; que les hommes
sans frein ct sans appui n’ont plus qu’un petit nombre d’idées, dont ils
reculent à leur gré les limites , et qu’ils vont également loin dans le
crime et dans la vertu. Bornons-nous à obseiTCr futile ascendant do
certaines opinions sur les coeurs même les plus féroces; a reconnoitre
cette éternelle loi dc conservation qui place toujours quelque bien a côté
des plus grands maux, ct pour premier secours accorde ainsi l’csperancc.
Le culte dc fliospitalité rattaelioit sans cesse à la morale une religion
dont les divinités aulorisoient d’affreux désordres par leurs exemples : au
milieu tic rlls Ijizarrcs ct cruels, celte douce vertu conserva du moins scs
droits; clic ont toujours scs cérémonies; on la pratiquoit avec lervcnr,
quelquefois même avec une sorte dc superstition ipii ne faisoit que lui
prêter des charmes dc plus : tout cc qui la rappelle encore aujotird’liui
sc rcvèl dc couleurs aimables; ct nul uc l’ciitcnd nommer sans quelque
émotion, sans rcntiro liommagc daus sou coeur à cc sciitimeiil de
biciivcillaiicc, qui, dans jilusieurs langues eoiifoiidaiit jiar une même
expression le biciil’aiteur ct l’oliligê, scmlile, par ecLtc licureuse Gpiivoquc,
avoir voulu transmettre fidêc la plus juste du bleu mutuel qu'elle produit.
Quü scroit devenu l’univers, si le peuple destiné à le subjuguer n’eût
pas reçu des Grecs', avec leurs divinités ct leur croyance, ces opinions
bienfaisantes si propres à modérer sa férocité? Sans le respect pour les
dieux des foyers, sans la crainlc d’attirer le courroux céleste, en repoussant
les Prières, filles dc Jupiter, quel peuple auroient donc élé ces
Romains qui sc jouoient sans cesse dc la vie ct de la liberté des hommes!
Heureusement cc dogme dc leurs ancêtres les ramenoit à dos idées do
justice ct d’humanité. Giccron cssaic-t-il d’attendrir un vainqueur irrité,
en faveur dc Déjotarus, il rappelle à Gésar que cc monarque fut son
liôtc; il le conjure par lu main qui pressa ccUc main royale en des temps
plus heureux : P e r dexiram ie isLain ovo quam régi Dejolaro hospes
hospili porrexisLi ( i) . Veut-il compléter le tableau des crimes dcYcrrès,
il le dénonce pour avoir trahi le plus saint des devoirs; et Titc-Livc, tout
Romain qu’il éloil, semble parlager l’indignation d’Aiinibal, qui, vendu
par Prusias, se donne la mort, en appelant sur la tète de cet hôte perfide
l’exécration des hommes et la vengeance des dieux (2). Le sénat, avilissant
les rois pour les détruire, les forçoit bien quelquefois à violer les
droits du malheur; mais il n’en professoit pas moins l’antique religion
de l’hospitalité : on la pratiquoit avec magnificence; dans les calamités
publiques, elle devcnoit le culte expiatoire, dont 011 allcndoit la fin dos
plus cruels fléaux (3); ct Rome enfin éloit toujours appelée la patrie
de tous.
Gepcndant le commerce, qui, rapprochant les nalions, divise les individus,
ct la guerre, qui, dans l’accroissement de la ricbcsse publique, trouve
de nouveaux alimcns à ses fureurs, limitoicnt, aflbiblissoicnt chaque jour
cet esprit dc bienfaisance générale : le chrisLiaiiisme le ranima.
Pouvoit-clic n’ctrc pas hospitalière, cette religion qui ne respire
qu’amour et charité, ct dont le législateur, s'appropriant toute injure
faite au malheureux, déclare que lo premier de scs rcprocbes sera un
jour : Je demandois un asylc, ct vous ne m’avez pas recueilli. Aussi
(1) Cicer. proRpgpDcjot.
(2) TU. Liv. Lib. XXXIX, cap. 5 i.
(3) Lorsqiip I'pxcps du nialluHir prptoit une nou-
Vflle force aux idces rcligipust's, el l'aisoil cliprclior
les inoypiis de calmpr 1p courroux cèlesle, l’hospitalité
dovenoit géiiérale ; toutes les maisons de Rome
éloipnl ouvertes aux iiifortuups : ou leur prodiguoit
les secour.s, les bienfaits; elles dieuxeux-mèuipssem-
bloient pariiciper à ces fêles. On descendoit les statues
Tome 11.
de leurs base.s, ct on les plaçoit sur des Üls, autour
de tables somptueusement servies dans les temples,
usage qui faisoit donner i ces cérémonies le nom dc
Leclislcrnest elles faisoient partie du culte apporté en
Italie par les colonies grecques ; c’éloit la religion du
bon Evandre, sorti de l’Arcadie pour venir jeter le.s
fondemens de la ville immortelle, ct construire ces
cabanes, que dévoient remplacer un jour dc si prodigieux
édilices.
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