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Grèce et en Ilalie. On ne peut guère douter do leur origine , lorsqu’on
les compare aux monumcns semblables si multiplies dans le nord dc
rEuropc , ainsi cpic dans toutes les contrées occupées ou successivement
envaliics par des nations scythes. Il existe mémo de ces tombeaux en
Annirique, où les Scythes ont pu pénétrer par le Nord ; el des voyageurs
disent en avoir trouvé jusqua l’extrémité dc l'Afrique. Mais saus nous
livrer ici à une discussion trop générale , bornons-nons à constater la
parfaite similitude des tombeaux grecs ct asiatiques avec ceux des Scythes;
à nous convaincre ainsi de ia lidélilé des plus anciennes notions historiques
, qui indiquent les invasions perpéluclles tic ces peuples dans les
contrées du M id i, en même temps que d’autres jgenplades pénétrèrent,
les unes daus la Germanie , les autres dans la Scandinavie , d’où elles
passèrent jusque dans les îles Britanniques.
M .Pallas, qui a parcouru avec tant de fraitlcs pays immcnscsd’où sor-
liretU àdiverscsépoqucs des nations entières, pour se répandre sur fEurope
et sur l'Asie , a vu par-tout des tombeaux pareils à ceux que nous allons
rcnconlrcr dans la Grèce. Sur les bords des grands Üeuvcs (jui traversent
ou séparent les provinces tártaros , ce savant voyageur Irouvc ces monticules
Loujours coniques ct plus ou moins élevés, souvent réunis en
grand nomlirc sur un même terrein , et dans quelques endroits recevant
encore les hommages dc ces peuples si fidèles aux opinions , aux
moeurs de leurs ancêtres. En parlant des contrées successivement abandonnées
par les Scvthcs , qui sous les noms dc Bastcrnes , dc Peu-
cins , de Gèles , Gollis ou Yalains , se sont successivement emparés
du reste de la terre , on pourroit suivre avec assez d’exactitude leurs
migrations cl la marche dc leur armée, à l’aide dc ces monumcns, témoins
encore cxistans de leur passage ou dc leur séjour. On retrouve ainsi
leurs traces dans tout le nord de l’Europe, sur les bords dc la Baltique,
chez les Sarmalcs, sur les bords dc l’E lbe, dans toute rancienne Scandinavie
, ct jusque dans les montagnes de l’Ecosse.
Vers le Midi , les plaines voisines du Pont-Euxin ct de la mer
Caspienne, ainsi que toute la Ciicrsoiièse Taurique , offriait un grand
nombre de ces tombeaux ; j’en ai trouvé sur les bords du Dniester et sur
ceux du Danuj)c, près dc Constantinople , en divers endroits de la Grèce ;
et désormais les voyageurs avertis par mes premières recherches, en découvriront
d’autres encore sur les cotes de ia Thrace , dans ic Péloponnèse,
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cl sur - tout dans l’Asie mineure , où ils sont beaucoup plus muUlpliés
encore.
Déjà depuis plusieurs années , quelques personnes instruites à qui
j’avois eonirauniqué mes premiers travaux sur la Troade , ont profité de
leur séjour à Smyrne ct dans les environs dc Sardes , pour rechercher les
monumcns de cette espèce , désignés par Hérodote ct Pausanias , cL dont
l’énorme volume avoit dû les défendre contre la destruction.
Plusieurs, en effet, sc retrouvent encore aux mêmes lieux où ces auteurs
les placent. Il paroît assez vraisemblable que c’est le monument de Tantale,
que l’on voit dans les environs dc Smyrne , vers le raontSipylu^ etqui fut
ouvert il y a quelques années (i ). On a découvert un autre tombeau à trois
lieues dc Smyrne, sur le chemin de Colophon ; mais c’csl sur-tout dans les
environs dc Sardes qu’on rencontre un nombre prodigieux dc ces monumcns.
On en remarque sur toutes les avenues qui y conduisent; ctà une lieue
ct demie au nord-est de la ville , au-delà de l’Hcrmus , s’élève une montagne
dont la surface est couverte de ces monticules factices : les Turcs rappellent
Bin-T'ép é, les mille Tombeaux. Cet emplacement étoit consacré
aux sépultures des rois de Lydie , et des habitans les plus distingués dc
leur capitale. L ’on reconnoît encore facilement le tombeau d’Alyattcs,
père de Crésus ; il est beaucoup plus grand que tous les autres , et offre
les mêmes dimensions qui lui sont données par Hérodote (2).
Il y a très-pou de villes dc^' l’Asie mineure qui ne conservent ainsi
quelques tombeaux de leurs fondateurs ou de leurs souverains ; les
monumcns d’un peuple originairement nomade, sans arts ct presque saus
civilisation, ont résisté plus long-temps que les somptueux édifices dont
la richesse a provoqué la ruine, ct dont plusieurs sont aujourd’hui entièrement
effacés dc la place où ils exisLoient avec tant d’éclat.
Les plus anciens dc ces tombeaux sont aussi les plus simples, et ceux
dont la structure a le plus de ressemblance avec celle des tombeaux
scythcs observés par M. Pallas. Ce sont des cônes de terre élevés avec
assez d’art sur la place même qu’occupa le bûcher, cl qui en coiiLiennent
( i) Ce tombenu est à ime lieue de Srayriie , près
(l’un bi'ùs du Mêlés «pii pi'eiul sa source dans lo mout
Sipylus. 11 a deux cents pas de diamètre ; il est couvert
de très-vieux oliviers el d’arbres fruitiers. Le propriétaire
du lerreiii le lit ouvrir pour enlever les
pierre.s du .soubassement , et s'eu servir à construire
une métairie ; mai.s «pioiqu elle lût assez coiisidé-
Tome I I .
rable, on n'employa pas la trentième partie des pierres
qui forment ce lie base immense, coupée par plusieurs
galeries. etcoiUen.ant un grand nombre de chambres.
Au centre , ou tiouva les débris d'un biiclier placé
sur le sol ualurel. Kole fournie par M. Cousinery.
(2) Chandler’s travels in Asia min. Ch. 78, p. 263.