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4 Y Ü Y A G E P I T T O R E S Q U E
liucrauirc ajioiciinc, qu’il m’a clé si doux dc culÜTcr sous lo mémo ciel
qui la lit jiailrc : mais je ne craindrai pas dc m’arrclcr dans ma route, cl
incmcdem’cnécartcrqLicl(jucrois,pourallcraiidovantdcs objets quiappclloront
ma curiosité, on pour icnLcr des recherches propres à jcUcr quelque
jour nouveau sur les productions des anciens. Des plans exacts, des dessins
iidcles ne sont-ils pas les plus sûrs commentaires de l’histoire? On sc plaira
sans doute à suivre, en quelque sorte sur le terrain, la marche des armées,
ct les expéditions décrites par Hérodote, ct par Thucydide; à démêler
parmi les nobles iictioiis d'ilomcrc un premier tissu devérités, qui Ibntde
ses chants les plus précieuses comme les plus antiques annales de la (îrèce.
Qui pourra, sans une vive impression, se trouver transporte sur les rives
du Scamandre, ou celles du Bosphore, aux champs de Marathon, ou dans
la vallée dc Tempé, dans toutes ces contrées où les moindres débris ont dc
grands noms, et où chaque colline, chaque ruisseau a sa célébrité? Longtemps
les cartes de ia Grèce n’ont etc composées que d’après les récits
souvent embarrassés des auteurs anciens, elles relations trop incertaines
des voyageurs; aujourd’hui cc sont ces mémos écrivains dont les textes
vont être rcctiliés, ou interprétés par la nature des lieux mieux reconnus.
Ma passion pour l’antiquité m’avoit conduit une première fois dans
la Grèce : plusieurs années après, le devoir m’y ramena. En 178^1,
le Roi me nomma à l’ambassade dc Constantinople. Je reçus dc sa
bonlé les cricouragemciis, les conseils, ct toutes les lumières qui pou-
voicnt m’être le plus utiles : ct combien n’eus-je pas lien d’être ÎVappi:
de son zèle éclairé pour les sciences, dc la rectitude de son jugement,
et dc celle instruction solide et variée qui eût été remarquable dans un
particulier ! Mais tel étoit déjà l’égarement public, qu’on sc làisoit un
mérite de lui tout refuser. Sur le premier tronc du monde, s c lÜ dc tous
les Rois 11 n’eut jamais un llattcur ; seul il n’obtint pas la plus stricte
justice : on l’avoit réduit à n’oser sc la rendre lui-même, et rcmpirc de
l’opinion sembloiL l’avoir aussi subjugué. Quel présage n’éloit point cette
disposition des esprits, première époque d’erreur ct de vertige, où
le tronc ayant perdu l’utile ct magique pouvoir qui relève avec éclat
jusqu’aux simples inLciiLioiis du bien, ou en étoit déjà venu à moeou-
noitrc des qualités réelles, précieuses et bicnlàisantes, qui eussent été
vénérées et chéries sous le toit le plus vulgaire !
La mission donl je l'us honoré avoit un caractère yiarticiilier. Le Gou-
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vernemcnl avoit cru devoir placer sous ma direction quelques ingénieurs,
plusieurs officiers d’artillerie , un détachement de constructeurs et de
maîtres d’équipages du corps de la Marine. Il scroit hors dc mon objet,
ct peut-être hors de convenance , d’examiner eu cc momeul si ces foibles
moyens répondoicnt aux vues de la France et aux besoins de son allié :
ils étoicnt destinés à soutenir, à ranimer un vieil empire prêt à succomber
sous les efforts d’une puissance encore dans toute la force de la jeunesse. Je
ii’aurois sans doute pas eu trop de tous mes momcns pour essayer de remplir
une tâche si difficile ; mais finsouciauce musulmane coiidamuoit souvent
mon zèle à de pénibles loisirs , et le temps qu’elle ne me permettoit pas
de donner au sort futur de ces belles contrées , je crus ne pouvoir mieux
l’employer qu’en m’occupant de leur grandeur passée.
Jamais je ne m’étois senti uu goût plus vif, un attrait plus impérieux
pour voir, pour apprécier les productions des anciens, pour en recueillir
du moins, par une exacte imitation, tout ce qui a pu résister aux outrages
des siècles ; mais je sentis avant tout l’extrême utilité dc reconnoitre le
théâtre véritable de leur gloire , et ce fut vers cc but important que sc
tournèrent mes premiers travaux. Leurs résultats formeront la partie
essentielle , peut-être le seul mérite de cette collection ; et puisque
ce sont des opérations lopographiqucs qui pourront obtenir grace
pour ce qui ne paroîlra pas aussi heureusement traité , je dois rappeler
ici rapidement quel étoit l’état do nos coiinoissances géographiques
sur la Grèce , lorsque je me suis efforcé dc les rectifier et de les
accroître.
« La Gtiographic, dit Voltaire , est encore dc tous les arts celui qui a
» le plus grand besoin d’etre perfectionné , et l’ambition a mis jusqu’ici
» plus dc soins â dévaster lu terre qu’à la décrire ».
Il est rare que l’on se trompe en accusant l’ambition ; mais ce n’est peut-
être pas sous ce rapport qu'elle a mérité le plus de reproches. Si les Pizarre,
si les Cortés ne parcoururent le monde cjue pour le ravager , ce ne fut pas
• sans doute une cupidité dévastatrice qui fit franchir les bornes de funi-
vcrs connu â Vasco dc Garaa, à Colomb , â Vespucc, à Magellan ; et les
savans doivent sur-tout une reconnoissance bien pure â ce prince Henri
de Portugal, qui , près d’un siècle avant l’époque dc ces célèbres navigateurs
, jeune encore , et dédaignant les passions vulgaires, se dévoua à
l’étude de l'aslronomie, fit élever à grands frais uu observatoire , concourut
Tome I I . ^
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