
J / '
y
fea
'A
d’un slylc pur et noble comme l’âme de son auteur, dcvoit faire revivre
l’antique gloire dc la contrée que je 3'cnois dc parcourir. Je ne pouvois
donc prclcndrc qu’au foiblc mérite dc décrire avec cxacLilude el simplicité
les débris encore cxislans de sa grandeur passée. Je le sentis d’abord;
je ra’apperçus trop lard que je l’avois souvent oublié : aussi, taudis qu’on
daigiioil accueillir mes premiers essais avec indulgence, je n’cn rcccvois
les témoignages qu’avec embarras, avec une sorte dc remords : je me
promctLüis bien dc réparer un jour dc nombreuses négligences, ct dc
présenter dans la suite un tableau moins indigne d'un si beau sujet.
Sans doute un intervalle dc tant d’années eût dû suiTirc pour en acquérir
les moyens; mais aujourd’h u i, ai-je besoin de dire que cc travail a rencontré
hors dc moi d’innombrables obstacles; qu’il a été long-temps cl
doidourcusemcnt interrompu; que dans ces temps dc délire , où l’indigence
cllc-mcme fut dépouillée comme la richesse, où l’on persécuta le
génie sans faire grace â la médiocrité , les matériaux que j’avois pu recueillir
furent dispersés ct presque anéantis ? Et quand ils eussent échappé
â tant de destructions, aurois-jc pu trouver en moi la force dc m’cn occuper
durant celle désolante époque, où l’on ne respiroit que pour la
douleur ! Supporter une telle existence, c’étoit déjà du courage ; chercher
â sc distraire par les jouissances dc l’esprit, m’eût semblé un défaut
dc pudeur. Cependant des jours moins orageux se levèrent sur celle terre
tourmentée dc malheurs cl de crimes; le sang du moins n’j couloit plus,
ct le Français expatrié put reposer quelque temps son coeur cL sa pensée.
Plus épargné par le sort que la plupart dc mes compagnons d’infortune,
déjà d’honorables consolations avoicuL relevé ma destinée dan.s une région
hospitalière : la bonlé la plus généreuse, la grandeur la plus auguste,
me combloicnt dc bienfaits, ct daignoient rouvrir devant moi la carrière
des arts; mais dépouillé du fruit dc mes rcclicrcbcs, il me ialloiL renoncer
aux douces occupations dont j’avois flatté mon avenir, lorsque, après
nn événement qui ouvrit tous les coeurs à l’espérance , j’appris que la
proscription dont j’étois frappé venoil enfin d’etre révoquée. La certitude
dc revoir ma patrie me pénétra dc joie et de rcconnoissancc. A peine
rentré, je ne puis dire daus mes foyers, mais du moins sur ma terre
natale, je portai mon activité vers la recherche des seuls objets qu’il
m’éloit permis dc redemander. Ün voulut bien me rendre une pailie
des matériaux que j’avois successivement fait jiasser en Irance, ol qui
iravoicnt pas tous été détruits ou dispersés. Je regrettai sans doute cc qui
resta perdu pour moi : je revis avec LranspoiT cc qui m’étoit rendu; ct
il m’est doux de penser que c’csL sur-LouL à des amis, â des dépositaires
tels qu’il en exista pourlaiiL â celle époque, que je dois la possibilité de
rendre quelques nouveaux hommages au souvenir d’Ilion ct aux ruines
d’Athènes.
C’est avec ces moyens incomplets, mais précieux encore, que je vais
reprendre la publication dc cc voyage. J^c Icclcnr appcrccvra des lacunes,
des imperfections dc plus d’un genre, mais il ne me les imputera pas
toutes ; pcuL-èlrc même accordcra-L-îl quclqu’inlérct au courage que je
me retrouve de recueillir tous CCS débris , do les garantir d’nnc perte
certaine si difficile à réparer, ct par l’cifort d’un travail nouveau, dc les
faire servir, tout informes qu’ils sont, â l’histoire des Arts, je n’ose dire
a leurs progrès ; pcuL-clre le cidte que j’ai rendu à ces arls consolateurs
dès ma première jeunesse , ct celui que je leur rends encore aujourd’hui,
m’üblicndront-ils aussi une bienveillance dont je n’eus jamais autant de
besoin qu’après ces quinze aimées dc découragement.
La forme de cet ouvrage n’annonçoit que le porte-feuille d’un voyageur,
un simple recueil dc cartes el de dessins, auqucis dévoient être jointes
dc courtes explications réclamées par la célébrité des lieux : il ne ialloit
pas dc grands efforts pour atteindre un tel but; mais il eu falloit pour
«c pas le dépasser : à peine en efict ens-je commencé mon ouYrage,
que je fns entraîné hors des limites que j’avois eu la sagesse de me
proscrire. Je ne sus pas résister long-temps an dcsir si naturel dc communiquer
du moins une partie des sensations que je venois d’épronvcr :
ct pouTOis-jc , si jeune encore , parler do la Grèce sans émotion ? pouvois-
jc mesurer loiiioiirs l’iiommago que m’iuspiroient ces scnlimcns généreux,
CCS mouvemens des .âmes Gères ct indépendantes, qui ciiraiitèrent parmi
les Grecs laiit do modèles d’héroïsme ct dc vertu ?
Je ne me reproche pas la vive impression que me causoient ces grands
souvenirs; je désire seulement rendre à leur juste acception les mots qui
me scmbloiciit alors les mieux exprimer: les dures leçons do rcxpéricnce
ont détruit depuis hieu des illusions ¡Désormais, des connoissanccs moins
superficielles, des observations pins atlcntivos, plus approfondies, doivent
seules répandre dc l’inlérèt sur mes travaux; el je me renfermerai
dans le cercle que trace aulour dc moi l’amour des Arts, et de cette