
r o V O Y A G E P [ T T O R E S Q U E
iéctioli de cc tra^'ail , malgré riricoiicevablc lalcti) (]ui a coiiduit d'An-
ville plus près que persoiim; dc la vià'iLc , il faut bien le dire , cos cartes
ne sont nécessairement (¡u'un résultat très-ingcuicux do probabiliU'S ,
d’hypothèses ct d’approximations ; elles iVonl pu être regardées par lui-
mcme comme uu travail rigoureux, tel que l’exige la vraie géographie,
qui n’est jamais hypothétique ; et il a sans doute voulu consigner sa propre
opinion <à cet égard , dans le titre modeste qu'il a domic à sa carte <]e la
Grèce (i) . On doit regarder comme impossilile de mieux conjecturer en
cc genre que n’a faitd’Auvillc; mais il est possible dc mieux faire, en remplaçant
d'ingénieuses conjectures par des observations coiTaincs. Tel est
l’cmpirc dc la vérité, que le génie lui-mcme trouve encore à s’applaudir, s’il a
pu approcher des résultats d’un travail qui ne demande que de l’exactitude.
Pour obtenir ces résultats , il falloit qu’un marin distingué sc diivouât,
durantsaviccntièrc,àcc genre d’opérations; qu’il yconsacrâl les loisirs d'une
longue paix, et qu’à une ardeur infatigable il joignit le talent etl habitude
d’observer : la géographie avoit trouvé cette réunion d'el'forts, de patience
et de moyens dans M. de Cliabcrt , memlu’c de facadéinic des sciences,
lieutenant-général des armées navales. Il vient de terminer sa longue et
honorable carrière avant d’avoir pu mettre en ordre ses nombreux matériaux
, mais ils ne seront pas perdus : c’est un legs fait aux sciences, et qui
sera sans doute recueilli avec empressement.
M. do Chabert avoit fixé les points principaux de la plus grande partie
de la Méditerranée , mais il lui manquoit des observations indispcu-
sal>les pour en construire une carte générale. La guerre d’Amérique, dans
laquelle cet officier fut employé avec honneur , avoit suspendu des
travaux que son âge ct les circonstances ne lui ont plus permis de
reprendre : il ne les avoit point étendus dans le nord de l’A rchipel,
qui scroit ainsi resté toujours mal connu ; je dcvois donc m’occuper
particulièrement de ces parages. Quant aux autres parties de
la Grèce , on ne pouvoit espérer de M. de Chabert que les opérations
nécessaires aux navigateurs , celles qui dcilerminent les caps ot les
mouillages. Eu véritable marin , ii ne s’ctoit permis aucune incursion
dans les terres , ct souvent même il s’étoitpeu inquiété dc l’exacte
configuration des côtes, moins encore dc la marche dc Xerxès, ou de celle
des flottes athéniennes. Je pus donc regarder , à mon second voyage en
(i; Groeciæ anLiquoe Specimengeograpliicum.
D E J,A G R È C E . i,
Grèce , le travail que je me proposois comme pouvant être le complément
du sien ; mais je n’eus point la prétention de faire ce que j’aurois mal fait
moi-mémc, et je m’associai un astronome, dos ingénieurs cl des officiers
dc marine distingués , auxquels on devra sans doute ce qu’il y a de plus
précieux dans cet Ouvrage.
Arrivé à Constantinople , je me hâtai dc faire construire un observatoire
au Palais dc France àPéra ,ctun autre au village dcTarapia , sur une
hauteur qui domine le Bosphore. Les observations, régulièrementropéU'cs
aux deux extrémités de cotte longue base, acquirent ainsi toute l’exactiLude
dont elles étoient susceptibles , et servirent à déterminer un méridien
auquel furent reportées toutes les opérations ultérieures. Le savant astronome
Mécliain rac rendit , dans une correspondance suivie , le service
essentiel de comparer nos travaux , dc les juger , ct dc nous indiquer
constamment la marchelaplusutile àsuivrc. 11 vouloitbien encore m’éclaircr
de scs conseils, lorsqu’il est mort victime de son zèle pour les sciences.
Le maréchal dc Castries , ministre de la Marine , ne négligooit aucun
moyen d’accroîtrc la grande instruction à laquelle étoit d<=jà parvenu
un corps illustre , dont la France regrettera long-temps la perte. 11 adopta
mes vues et seconda mon zèle , eu mettant à ma disposition une
petite corvette de i 4 canons , d’une marche supérieure , et qui m’avoit
été indiquée comme le bâtiment le plus propre , par sa conslrueliou et
sa légèreté , à l’exécution de mes projets. Ce ministre voulut bien , sur
ma demande , en accorder le commandement à M. Truguet, officier intelligent,
alors major dc vaisseau, et qui attachoit beaucoiq) de prix à
conduire , d’après mes instructions , des tra^-aux de ce genre. Je lis placer
sur le même armement lo lieutenant Racord , cjuc j’avois connu lors dc
mon premier voyage en Grèce, cl ([uo JL dc Chabert s’étoil plu à former ;
c’ctoit ic meilleur compagnon do travail que je pusse donner à l’astronome.
Apres la mort dc celui-ci , M. Racord coiUiuua avec succès des opérations
qu’une longue pratique lui avoit rendues familières.
Une partie des résultats obtenus avec tant de peines et dc soins a été
perdue : je n’cn ferai point la longue énum(h-alion , ce scroit rép<der Irop
souvent l'expression des mêmes regrets. On jugera successivement les matériaux
que j’ai eu le bonheur dc conserver ; et si je parle encore quelquefois
dc ceux qui ont péri, cc sera pour indiquer à d’autres voyageurs les moyens
les plus sûrs de réparer tout à la fois mon malheur et mes négligences.
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