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où Esculape ctoit honoré, on célébroit des fêtes qui portoicnt son nom.
Les honneurs qui lui étoient rendus ne nuisoicnl point aux éludes ; Lous
ceux qui cuUivoicnt cette science avec le plus d’ardeur , croyoient eu
même temps à riiiLcrvculion du dieu dc la médecine : Galicn lui-
même , né à Pergame au second siècle de notre ère , no fui pas supérieur
à ces idées superslilieuscs ; il nous apprend qu’il setoll guéri par
Jcs remèdes qu’Esculape lui avoil révélés dans un songe. Col homme
célèbre n’en est pas moins le seul que la postérité ait osé placer a coté
d’Ilippocrate. Celui-ci, doué au suprême degré du génie dc l’observation
, avoit été l’oracle et presque le créateur d’une science qui , malgré
les grandes découvertes des modernes , se glorifie encore dc tous les
principes qu'il a posés ; mais l’art de guérir nos maux, dc les soulager
ou du moins d’en faire espérer le soulagement, n’avoit pu échapper aux
bizarres subtilités d’une foule de novateurs : dc-là cette nuée de sectes,
qui, sous le nom d’empyriques , dc dogmatiques, de méthodiques, d’épi-
synlhétiqucs , d’éclectiques , de pneumatiques , se combaltoient sans
cesse avec acharnement, s’écartant toujours dc la véritable route. Galion
s’efforça de les y ramener : on lui doit d’avoir remis en honneur la doctrine
d’ITippoerale, cl fait sentir le ridicule dc ces vains systèmes. Il est vrai
qu’un amour-propre sans mesure, qui lui suscita dc nombreuses haines,
l’égara plus d’une fois , et l’exposa à quelques-uns des reproches qu’il
prodiguoit avec tant damerturac : toutefois son nom survit à toutes ces
sectes dont les noms s >nt à peine connus , ct scs ouvrages seront
long-temps encore médités avec fruit. Né d’un père qui avoit cultivé les
sciences ct les arts , il se livra avec ardeur non-seulement à l’étude dc la
médecine , mais aussi à celle de toutes les parties de la philosophie ct des
belles-lettres. 11 voyagea pour aceroilrc ct fortifier son instruction : il
s’arrêta quclc¡ue temps à Alexandrie , fît un séjour de quatre ans à Rome,
d’où la jalousie des médecins l'obligea dc s’éloigner; il y revint ensuite,
attiré par l'empereur Marc-Aurèle; ce fut là qu’il composa la plupart de
ses ouvrages , dont le style est pur, facile, ct quelquefois plus élégant que
ne semble l’exiger le sujet. Sa fécondité est à peine croyable. 11 composa
plus de cinq cents traités sur des objets dc médecine, plus dc deux cents sur
la géométrie ct la grammaire; et pour sc rendre compte à lui-mcme dc ses
travaux, il fil en deux volumes le catalogue raisonné de scs nombreuses productions
: il en périt à Rome une grande partie dans uu incendie ; el ce
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malheur a réduit pour nous les écrits de Galicn à six volumes in-folio.
On ne peut quitter Pergame sans admirer l’état florissant dc cette
contrée, scs belles cultures , cc grand nombre de villages où règne l’ordre
le plus étonnant , où tout annonce l’aisalice et l’industrie. La nature a
prodigué scs dons , il est vrai, à cet heureux pays ; mais au milieu d’un
empire où tous les ressorts dc l’administration sont relâchés, où le despotisme
qui échappe au souverain est saisi par quiconque peut soudoyer
quelques soldats , comment des provinces entières sont-elles
ainsi soustraites aux malheurs de l’anarchie , ct présentcnt-cllcs le spectacle
dc l’abondance ct du bonheur ? La population s’y est accrue dc tous
ceux q u i, en d’autres provinces dc l’empire, ont pu fuir l’oppression ou
la misère. Déjà quarante mille habitans de l’Attique ct du Péloponnèse
ont quitté successivement leur terre natale , pour venir former des éla-
blisscmens sur cette cote qui depuis tant de siècles reçoit des colonies
dc la Grèce ; et tous y prospèrent sous la protection et les loix d’une
famille devenue, en peu d’années, une véritable puissance.
Il y a environ soixante ans que , du sein des troubles qui désoloient
presque toute l’Asie mineure, Gara-Osman , simple soldat d’un ancien
Aga , parvint à sc faire un parti , à former une armée ; il s’empara dc
Pergame, ct bientôt de toute la province , fît trembler et soumit les Agas
voisins , ct périt, malgré tant de succès , par ordre de la Porte : mais la
puissance dc cet audacieux aventurier lui survécut ; scs richesses neTurent
point perdues pour ses cnfans ; ils les employèrent à sc ménager d’utiles
protecteurs, et le frère de Cara-Osman acheta , des ministres ottomans,
l’agalik dc Pergame.
Depuisce moment, cette famille rcmarquablepar l’union de ses membres,
et qui compte maintenant vingt-cinq chefs soumis au plus âgé d’entre
eux , profitant des malheurs de quelques autres contrées , a su en attirer
les habitans dans ses possessions ; elle s'agrandit de jour en jour , et forme
un corps puissant que la Porte redoute, ct que toute l’Asie mineure chérit.
Iladgi-Orner-Aga , frère de Cara-Osman , vieillard octogénaire , préside
le conseil dc famille dont les membres , répandus sur leurs vastes
domaines, se rassemblent souvent près de lui , et lui rendent hommage
comme â leur chef suprême. Ce vieillard est un nouveau souverain dc
Pergame : c’est un de ces anciens patriarches dont le pouvoir paternel fu t,
dit-on , forigiiie et la première image de la royauté ; ct si cette famille
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